Transmission

Encore un bout de texte retrouvé il y a peu. Celui-ci m’est venu un matin, après un rêve dont je ne me souvenais pas, juste des sensations et des images. Dans la fatigue du réveil, les mots sont venus me demander gentiment mais fermement de sortir de mon crâne pour aller s’écraser dans un « nouveau document Word.docx ». Voilà le résultat, à peine corrigé, sans doute plein d’erreur, mais bon voilà.


Un homme court à perdre haleine dans une ruelle d’une mégalopole crasseuse. Au loin on entend de l’agitation, le bruit de la foule, des klaxons et des sirènes de police. Pour le moment, seul le claquement des chaussures de l’homme sur le pavé résonne dans la ruelle déserte.

« Il est là, je le vois ! » crie un autre homme en débouchant d’une allée. Dans sa main brille une arme. Un coup de feu claque, puis un autre. Le fuyard trébuche, se redresse en rattrapant une brique saillant d’un mur puis repart en claudiquant. De l’ombre sort un troisième homme qui s’approche de l’emplacement précédemment occupé par le fuyard. « Tu l’as touché. Avec ce qu’il perd comme sang, ce fumier n’en a plus pour longtemps. »

Les yeux emplis de larme par la douleur, la main droite fermement appuyée sur la blessure sanglante de sa cuisse, l’homme débouche sur un boulevard bruyant empli des flâneurs d’un samedi soir ordinaire. Le bruit des voitures est assourdissant, les voix des conversations lui parviennent amplifiée, comme si des centaines de gens lui hurlaient en pleine tête leurs vies insignifiantes, leurs listes de courses, leurs peines de cœurs ou leurs disputes minables. Il lui faut se concentrer et trouver sa cible. Rapidement.

L’homme blessé a trouvé ce qu’il cherchait. Ce n’est pas idéal mais c’est mieux que rien. La blessure à sa jambe le fait souffrir mais il s’efforce de l’oublier pour le moment. Dans un instant cela n’aura plus aucun intérêt. Alors qu’il se dirige vers sa cible, son champ de vision se rétrécit. Utilisant l’index de sa main gauche, et tout en courant, il dessine avec son sang dans sa main droite, une sorte de figure stylisée en forme de cercle puis se jette sur un homme à qui une femme vient de donner un seau de pop-corn géant.

L’affiche immense du cinéma montre une hache en relief au-dessus du titre du dernier film d’horreur à la mode. Chris est venu avec sa copine Marge dans l’espoir de se rapprocher d’elle. Cela fait plusieurs semaines qu’il est « sur le coup » et qu’il tente d’aller plus loin. Il est parvenu à lui faire accepter de voir ce film en tête-à-tête avec lui, ça veut dire quelque chose non ? Pendant qu’il pense à ça, il avance tranquillement dans la file en attendant Marge partie chercher du pop-corn. Autour de lui, des tas de jeunes plaisantent et jouent à se faire peur, criant dans le dos des uns des autres, faisant semblant de se battre à coups de hache ou s’étranglant, pour de faux bien sûr. Avec tout ce raffut et cette ambiance Chris n’a pas entendu les gens hurler sur le boulevard. Alors il est particulièrement surpris quand un homme au visage crispé se jette sur lui dans l’intention manifeste de lui faire du mal.

« Mais, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » demande Chris en ouvrant les yeux.
Il est allongé sur une sorte de lit en plein air et des gens sont en train de courir partout. Il a manifestement quitté sans s’en rendre compte la file d’attente du cinéma. Marge le regarde avec un air apeuré. Autour de lui, il y a des machines qui font des bips et des gens qui manipulent des tubes et des seringues. Il est dans une ambulance ?

« Tout va bien ? » demande l’un d’eux.
« Heu oui, oui ça va. ».
D’un coup apparait dans son bras une brulure lancinante qui le fait grimacer.
« Ne vous inquiétez pas monsieur, nous allons vous donner un sédatif. L’homme qui vous a agressé vous a tordu le bras, il a laissé une belle marque en tout cas ».
Effectivement, les traces d’une main sont encore visibles près du coude. L’homme a du serrer de toutes ses forces.
« J’ai été agressé ? Merde, mais pourquoi ? Il est où le type ? Les flics l’ont choppé ? » demande Chris en essayant de se relever.
« Restez tranquille, monsieur. » répond un autre homme, « je ne sais pas trop qui ils pourraient avoir attrapé, le type s’est écroulé mort juste après s’être battu avec vous. Sans doute un putain de drogué. Y’a que ça en ce moment. Allez, on y va, vous êtes avec lui mademoiselle ? ».
Marge fait un signe de la tête puis, à l’invite de l’infirmier, monte dans la voiture et claque la porte.

« Agents Malone et Goett, services fédéraux » annonce un homme chauve en costume sombre et la mine patibulaire au policier en tenue en train de délimiter la zone à l’aide d’un ruban jaune.
« Déjà ? Mais qu’est-ce que vous foutez là les gars ? Y’a pas eu de meurtre ni rien, c’est juste une agression. » réplique le policier d’un air soupçonneux.
« On vous a pas demandé votre avis mon gars, on est là et maintenant vous faites avec. Bougez votre cul avant qu’on en réfère à votre supérieur » dit tranquillement le deuxième homme, un blond à l’air pincé, plus mince et plus grand que le premier. Le policier regarde à droite et à gauche puis s’écarte en maugréant. Le chauve se penche sur le cadavre allongé face contre terre tout en enfilant une paire de gants en plastique bleu. Il l’examine, soulevant la veste déchirée, tâtant la poitrine, puis les jambes, puis remonte vers les bras. « Putain l’enfoiré. » murmure-t-il en retournant la main droite du corps. Le blond sort de sa veste un paquet de Dunhill dont il éjecte négligemment une cigarette qu’il allume à l’aide d’un briquet doré. Il prend une longue bouffée puis la recrache en faisant des ronds de fumée d’un air pensif.
« Il va falloir tout recommencer ».

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