Juil, 2016

Attends je re. part4

Disclaimer : Je reçois pas mal de message pour me demander si tout va bien, d’amis ou de presque inconnus qui ont l’air de trouver ces textes tristes et qui se font du souci. Merci, c’est très gentil de votre part mais sachez que j’écris avec beaucoup de recul, que c’est quand même légèrement romancé, notamment la chronologie n’est pas forcément exacte je m’essaie à un style particulier et que l’idée est de partager une expérience avec mes lecteurs, ni plus ni moins.


site-de-rencontreC’est pas vrai que j’ai arrêté facebook et twitter, j’ai juste réduit. Je mens, je me mens. A cette époque je rencontre un mec qui arrive sur Paris, un rôliste. On fait quelques parties ensemble, on accroche bien, un mec super, entouré d’amis. J’ai besoin de ça, de changer de joueurs, de changer d’amis, de voir du monde. On enchaine les soirées, on boit, beaucoup, on rigole, beaucoup aussi. Ses potes sont géniaux, toujours à se marrer, à ne rien prendre au sérieux. Ça parle de jeu bien sûr, mais aussi de la bière (un nouvel univers qui s’est ouvert à moi), des meufs (ça gravite, ça s’échange, ça s’amuse, ça tinderise), et de la vie.

Ça dure quoi ? Un an ? En un an j’ai plus appris et je me suis plus amusé que lors des dix dernières années. C’est ça qui me faut, de l’alcool, des potes et des rencontres. Je découvre les sites de rencontres, Tinder d’abord et OKCupid ensuite. Je suis très mauvais à ce jeu. J’ai peur, je ne sais pas lancer une conversation, j’ai peur de rencontrer des gens dans un environnement que je ne maitrise pas, sans le confort de la soirée et des autres potes au cas où tu n’aurais rien à dire.

« Prends ça comme un jeu ! »

J’y arrive pas. Derrière y’a des vrais gens, de vraies filles. Je ne sais pas ce qu’elles cherchent, sur le net comme dans la vie, je ne sais pas reconnaitre les signaux, rien n’est clair. Quand je pense qu’il y a moyen, je me prends un mur, un râteau, un non ferme, sympa, mais définitif. Alors je n’y vais pas, plus, alors je parle beaucoup pour cacher ma timidité. On me trouve gentil, marrant, mais c’est tout.

Sur OkCupid je m’amuse un peu. Y’a des quizz, des tas de questions pour connaitre ta personnalité, et puis si la personne en face répond de manière similaire tu vois sa tête, son profil et un pourcentage de match. Je tombe sur une fille qui matche à 99%, j’aime bien ses photos et ce qu’elle raconte, elle a les pieds sur terre, engagée, et aux mêmes centres d’intérêt que moi. Allez, putain, j’y vais. Plutôt qu’un bête « salut » que les nanas doivent recevoir cinq cents fois par jour, j’écris un vrai message, je m’appuie sur son profil, sur le mien, un peu d’humour, et puis j’appuie sur Envoi. Et j’attends. Pas longtemps.

« Ah oui tiens, et au fait, va crever !»

Ouais c’est sûr, j’avais pas fait gaffe. Dans son profil, dans un coin, il y’avait écrit : « Ne pas me contacter ». Probablement que j’étais passé dessus sans percuter, tout à ma concentration, à tenter de dépasser ma peur. En attendant sa réponse fut tout aussi longue que mon message mais radicalement différente. Une volée de bois vert dont la violence trouvait son climax dans cette simple phrase, va crever. Tu parles d’une expérience.

Sur Tinder, je ne contacte personne, jamais. Trop peur qu’il ne se passe rien, pas de réponse, mon message noyé dans un océan d’autres messages de mecs tous plus cons les uns que les autres. C’est ça les sites de rencontre en fait. Côté filles c’est un carnage, une avalanche de mecs en chiens, de tordus de toutes sortes, de manque de respect total. Et puis l’une d’entre elle me contacte. Je suis fatigué, j’enchaine les banalités. Je finis par lui donner rendez-vous dans un bar à bière que j’aime bien. Elle ne ressemble pas à la photo, personne ne ressemble à sa photo. C’est ma première rencontre internet de toute ma vie. Je ne sais pas faire. Je sais pas détourner une conversation, sexualiser, je ne sais même pas ce que je veux en fait. Je m’aperçois que je suis là, mais je ne me projette pas. Comme d’habitude ma tête tourne à fond de train, explorer dix mille possibilités, autant de scénarios. Aucun ne me convient, aucun ne m’amuse. Alors je parle, de tout et n’importe quoi. Je fais que parler, parler, parler. Je m’arrête uniquement lorsqu’elle va fumer. Je ne me rends même pas compte que je parle autant. Je suis tellement à l’ouest que je suis même plus capable de lire son regard, de comprendre que je l’emmerde. Elle est gentille. On finit par se dire au revoir comme ça là, près de sa voiture. Puis plus rien.

Une autre me contacte. Idem, je me dis que ça va aller mieux. Elle ne ressemble pas à sa photo non plus. Je lui dit que j’aime les brasseries, elle a l’air super contente et accepte de me rejoindre. Chouette une buveuse de bière. J’avais mal compris. Elle boit pas de bière, elle trouve que ça sent le vomi. D’ailleurs je parle trop, heureusement que je ne me drogue pas me dit-elle, qu’est-ce que ce serait sinon. Elle n’est pas bien maligne pour une infirmière. Je passe trente minutes à lui expliquer que les œufs du supermarché, si on les laisse longtemps, ben ça fait pas des poussins. « Soirée sympa mais ça va pas le faire, qu’elle me texte le lendemain. Ok je lui réponds. »

Là ce n’était pas de ma faute.

Je laisse tomber les rencontres sur Internet. Je n’y comprends rien. Mes copines me racontent toutes des trucs absurdes, des rencontres improbables, un défilé de tarés, et dans ma tête je hurle « mais je ne suis pas comme ça, moi, je suis gentil moi ! », mais je dis rien, j’acquiesce à chacune de leurs histoires. Tant pis.

Les vacances scolaires se passent, lentement. Je suis seul. Je m’emmerde. Je surfe sur le net à la recherche d’un truc à faire, d’une activité qui pourrait m’amuser en septembre. J’ai réduit le jeu de rôle, ouais quasiment abandonné en fait, mais peut-être que cette compétence pourrait me servir après tout. Trente ans à imaginer des histoires, ça doit bien pouvoir se recaser. Il y’a une troupe d’impro à côté de chez moi, les impropothame. Le nom me fait marrer, les gens ont l’air d’amateurs avertis. Les engrenages dans mon cerveau se réenclenchent. Pourquoi juste de l’impro ? Pourquoi pas du théâtre ? Il n’y a pas de vrai cours à côté de chez moi mais il y’en a à Paris.

Theatre« Allo Jerem, je suis sur le site de cours Florent. C’est marrant, y’a un stage d’accès dans quelques jours. T’imagine si je fais du théâtre! »

Le lendemain mon ami me rappelle : « je suis inscrit, et toi ? » MOI ? Mais ! Je ne t’ai pas demandé de t’inscrire ! C’est compliqué les cours ! Puis c’est loin ! Puis ça prend du temps ! Puis comment je fais avec les enfants ! Et le prix ! Foutues barrières encore.

Il est inscrit et commence le stage d’accès. Pendant trois semaines, il me parle de ce qu’il fait là-bas, des exercices, des textes à apprendre. Et moi j’enrage. J’enrage de ne pas avoir le courage de me jeter à l’aventure comme ça, de trop réfléchir. Je retourne sur le site et un nouveau stage d’accès est apparu, intensif, une semaine complète en immersion et ça commence dans trois jours. C’est le signe que j’attendais, le rattrapage que le cosmos m’offre.

Trois minutes et deux clics plus tard, je suis inscrit.

Attends je re. part3

home-designMalgré mes dénégations, je ne peux que me rendre à l’évidence. Acculé, je dois partir, vite. C’est le coup de pied au cul que j’attendais, le signal de la transformation. J’étais passé par toutes les étapes du deuil. Je n’avais plus qu’à accepter et reconstruire.

Je prends un grand appartement non loin de manière à assurer à mes enfants de pouvoir passer aisément d’un foyer à un autre (parait que c’est un de truc de riche ça… Probablement) puis je commence le grand nettoyage.

Nettoyage social d’abord. Virer les toxiques, les gens qui me pourrissent la vie, qui ne me rendent pas ce que je leur donne (figurativement ?). Trop d’énergie dépensée pour peu de retour, peu de joie. L’amitié ne devrait pas être un troc, on n’attend pas un retour sur investissement. Et pourtant. Pourquoi passer autant de temps pour les autres ? Lire des bouquins, écrire des histoires, imaginer des scènes, ingurgiter des règles de jeu pour simplifier la partie. D’un plaisir solitaire puis partagé, le jeu de rôle était devenu une contrainte. Le moindre faux pas était sanctionné, analysé, puis renvoyé comme une critique. La motivation n’y est plus, j’abandonne, je ne joue plus, ça ne m’amuse plus.

Faire le tri dans ses amis, froidement. Lui, ok. Elle non. Lui surtout pas. Elle, allez je la garde. Regarder sa collection et décider des gens à voir et à ne plus voir. Puis tout jeter en bloc. S’apercevoir que personne ne sortira de son confort pour toi, pour t’aider, pour t’accompagner dans tes problèmes, pour t’aimer en fait. C’est pas grave on verra plus tard.

Et puis il y a l’autre côté, l’écriture, les projets qui n’avancent pas, les trucs coincés chez l’éditeur, les relectures pour les potes, tout ultra-urgent, à faire pour hier, mais finalement non, on a le temps, puis d’un coup c’est de nouveau ultra-urgent. C’est une gestion par à-coups extrêmement destructurante et génératrice de stress. Et puis il y a les projets sortis par les autres, ceux qui ont pris ce métier à bras le corps, ceux qui produisent en une journée ce que tu mets un mois à écrire. J’aime voir ce qu’ils font, toutes ces nouveautés, et j’y participe parfois, mais je suis envieux, je me demande comment ils font, et tout à l’air tellement facile pour eux. Ils savent tout faire, écrire, dessiner, mettre en page, négocier des contrats, aller à des salons, créer des communautés. Et moi je sais pas faire ça. J’arrive pas à leur cheville, alors je m’en veux, je me dit que je produits pas assez, que je bosse pas assez. Alors basta, je peux plus suivre, j’arrête aussi. Je termine mes derniers engagements et j’en reprends plus.

« Faut que je fasse du vide »

On m’offre un bouquin, la magie du rangement. La quat’ de couv me parle d’une méthode japonaise pour tout ranger chez soi et se sentir mieux. Evidemment, ranger chez soi c’est ranger sa tête. 200 pages écrits gros dont j’ai retenu deux principes :

  • Jette 80%
  • Range le reste

J’ai jeté ou donné énormément de livres (on ne relit que quelques livres soigneusement sélectionnés), de vêtements (je ne les portais pas), de cds (le numérique les a tués), de vieilles boites (je revends rien de toute façon), des photos et même des meubles. C’est simple, on prend chaque objet en main, et si on ressent quelque chose instantanément alors on le garde sinon on le jette. Et ça marche.

Je commence à apprécier ne rien avoir, ou le moins possible. Chaque objet est une ancre qui te bloque en un lieu et une époque et qui t’empêche d’avancer, de regarder vers le futur. La nostalgie c’est réconfortant mais ça entrave.

Pour le rangement, c’est simple. Il faut faire en sorte que tes objets soient tous visibles. Les vêtements ne sont plus empilés mais mis côte à côte, les livres et cd qui restent idem. Donner à chaque objet qui reste une importance similaire.

Je suis seul au milieu du salon, je compte les meubles sur les doigts de ma main (gauche) et je suis bien.

Etape 1 tout casser, c’est fait.

Etape 2 reconstruire.

Attends je re. part2

2« Et pour les enfants, on fait comment ? »

De toute façon ça devait arriver. Mon appétence pour le reste de l’univers m’a fait oublier que j’en avais un personnel à gérer. Plus petit mais plus important. Je me suis détaché de tout, plus intéressé par le dernier top topito que par la femme qui rentrait chez moi le soir. Sa voix était un bruit de fond incessant qui se mêlait au reste, une information comme une autre, perdue dans l’océan. Etranger à sa douleur, je ne comprenais pas pourquoi la moindre peccadille prenait autant d’importance, pourquoi elle voulait m’arracher à mon ordinateur alors que j’étais si bien avec mes deux cents amis et leurs vies formidables (« Ahaha on s’amuse trop ! »), leurs soirées extraordinaires pleines de rires et d’alcool (« c’est ma soirée ou c’est pas ma soirée ! »), leurs voyages impossibles (« là c’est moi sur le plage, là c’est moi sur la montagne, là c’est moi dans le désert »), leurs colères que je faisais mienne  (« Indignation ! Manifestation !»), leur bonheur familial (« Trop meugnon ton bébé »), Leur tristesse parfois auxquelles je répondais sans appliquer mes propres conseils (« T’inquietes, ça va aller »).

« Je veux pas les traumatiser, ça te dérange pas si on reste dans la même maison ? Pour un temps ? »

Deux ans à faire comme si de rien n’était. J’avais tous les avantages, une vie familiale, internet, des soirées quand je voulais, des potes, de l’alcool, de longues discussions et elle qui s’occupait des enfants. Et pourtant. La tête qui tourne, et toujours les mêmes questions et les mêmes démons. Bon, je suis seul. Je suis tout seul. C’est bien d’être tout seul ? C’est dur d’être seul. Mais c’est bien non ? Tu peux faire ce que tu veux ! Ouais, surtout tu fais ce que tu peux. Les potes de ton âge, ils sont au chaud à la maison avec la marmaille. Les potes plus vieux, ils sortent pas, ils sont fatigués, ils ont une sale gueule, ils ont pas le temps. Pas pour toi. Reste les plus jeunes, ceux qui savent encore s’amuser, ceux qui ont encore le temps avant de devenir sérieux. Nouvelle jeunesse, souvenir de nuit blanche à picoler et à refaire le monde, à reparler des filles et de leurs jupes qui tournent, et qui tournent, et qui tournent la tête surtout.  T’es pas vieux. T’es plus vieux. Vieux c’est dans la tête, ça se décide. Mais toi y’a juste un truc que tu as oublié. C’est que les autres ne le savent pas.

« Salut, je peux m’assoir ?

Ça va pas ? T’es pédophile ou quoi ? »

Puis je sors avec cette fille. Rencontrée au boulot mais vraiment rencontrée bien après. Formidable, belle, intelligente, cultivée, fascinante, dans ses contradictions aussi. Elle sort d’un échec, d’un pari échoué et moi je suis là. Je l’aime. On parle beaucoup, tout le temps. On fait de la politique, on fait de l’informatique, elle m’apprend les lettres, elle m’apprend les humains, elle m’apprend tout le temps. Mais je suis pas amoureux. Je sais pas ce que c’est d’être amoureux. J’ai oublié. Je suis anesthésié. Merde, ça s’oublie pas pourtant, l’amour c’est comme le vélo, ça revient vite !

Ben si, ça s’oublie.

Comme on oublie de parler quand ça va pas. Comme on oublie qu’il faut faire attention à l’autre. Comme on oublie qu’on est pas des adolescents et qu’il faut agir en adultes. Et moi j’agis pas en adulte. Tout bouillonne, je veux tout et son contraire. Je la veux elle mais je veux aussi elle, et elle et aussi elle là-bas. Puis je veux qu’elle soit tout le temps avec moi. Puis je veux plus elle me fait chier, puis non en vrai, puis puis puis…Y’a de quoi dire sur cette fille, sur cet échec dont je suis le seul responsable, parce que j’ai fait n’importe quoi, parce que ce n’était pas le moment non plus, parce que je n’ai jamais cru à ses « je t’aime », parce que j’ai eu peur de ses « je t’aime ». Parce que mon cerveau déformé à l’internet ne voit qu’à court terme, et que l’engagement, j’en veux plus, j’ai déjà fait, c’est pas bon pour moi.

« J’ai rencontré quelqu’un. Il va venir habiter avec moi et les enfants. Faut que tu partes »

Restructuring life failure failure failu…..

Attends je re. part1

Enter-the-VoidLa pression était constante, bourdonnante, flippante et surtout permanente. Ma vie consistait à courir après le temps, après les gens, à vouloir me remplir la tête de projets, combler le moindre interstice par de l’information, par des idées, par du divertissement. Je n’avais plus le temps de penser, aucun moment pour m’évader. J’avais perdu la sensation de l’attente. Tout sauf l’ennui. Tout sauf un cerveau qui fonctionne à vide.

Il me semble que je n’ai pas toujours été comme ça. Du moins pas tout le temps, ou peut-être pas avec autant d’intensité. Jeune, j’étais curieux, inventif, toujours plongé dans mes bouquins, un geek de série télé, avec mes lunettes trop petites et ma timidité maladive. Jeu de rôle, informatique, lectures de sous-genres comme ils disent, les cultures de l’imaginaire, j’avais la panoplie complète.

Jusqu’à la fin de mes études, j’étais sérieux mais pas toujours motivé, je pouvais encore glander sans culpabilité, tout était facile, évident. Je me laissais porter. Je m’ennuyais surtout. Ce qu’on me disait je le comprenais, et parfois je ne le comprenais pas mais ça n’avait pas d’importance parce que je pouvais retrouver l’information. Ou l’inventer. Je planais. Sans soucis. Puis le choc, la chute, un coup de pied au cul. Des notes trop moyennes pour continuer mes études, obligations de trouver un boulot. Premier entretien, premier job. Trop facile. L’arrogance du jeune con. C’est un échec, je suis viré au bout de quelques semaines. Le constat est amer, ce que je sais ne me sers à rien, et je n’en sais pas assez pour bosser correctement. Alors je redescends sur terre et je me mets à apprendre, à apprendre vraiment. Je me plonge dans les livres, je découvre un internet encore balbutiant, que j’explore tous les jours, toutes les nuits. Je n’ai plus le temps de faire autre chose, je dois apprendre, encore apprendre. Progresser. Produire. Bien sûr le reste ne disparait pas, je continue le jeu de rôle, cette activité m’apporte tellement. Elle me sort de ma coquille, fait bouillonner mon cerveau, m’apprend à lire, à écrire, à me cultiver pour comprendre les références même imaginaires, une infinité d’univers à découvrir, à analyser.

J’avance, je m‘intéresse à des trucs d’adultes aussi. Je bosse sur une chaine de télé, je regarde et je lis les informations générales, je me construis une conscience politique, je suis alerte, vivant. Je me rajoute des projets persos, je programme, j’écris, y’a toujours quelque chose à faire.

Je rentre dans des associations, je fais du social, avec des amis j’organise des salons, du jeu encore. Je rencontre des gens sur la même longueur d’onde que moi. Quel plaisir, enfin. Ça percute, ça va vite, pas le temps de vulgariser pour des gens qui ne comprennent pas ce que je fais, ça fuse. L’arrogance toujours. Et le temps passe, femme, enfants, et rien n’est jamais terminé, il y a toujours des choses à faire, à apprendre. Et plus j’en sais, plus je me rends compte de ce qu’il me reste à savoir. Ça ne s’arrête jamais. Je suis une machine à apprendre, ma tête un entonnoir qui déborde. J’ai le monde entier à faire passer par le chas d’une aiguille. Je n’y arriverai pas mais je dois essayer. Je dors de moins en moins, je me lève la nuit pour lire des trucs. Ma vie familiale se dégrade.

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.

« Je te quitte » qu’elle me dit.

« Ok », que je lui réponds.

Je me retourne vers mon ordinateur pour finir l’article que Facebook me propose de lire parmi un flux invraisemblable et illimité en mouvement constant.

Et pendant que la lumière de l’écran continue à me cramer les yeux et l’esprit, dans ma tête un engrenage grince. Qu’est-ce que tu fous, là ? Qu’est-ce que t’es en train de foutre mec ? Bientôt quarante ans et t’as pas compris que tu t’étais transformé en Sisyphe ? Que ça servait à rien ? Que ce que tu apprenais un jour était obsolète le lendemain ? Toutes les informations que j’ingurgitais quotidiennement n’avaient aucune valeur, des calories vides, un cerveau rempli avec du rien, la vacuité en 140 caractères.

Stop

J’arrête

Maintenant

Je sors la tête de l’ordi. Je m’aperçois que je n’ai pas de vrais souvenirs. Si je n’avais pas ma mémoire secondaire, mes disques durs, mes serveurs, je serais une coquille vide. Toutes ces années je me suis auto-lavé le cerveau. Sans mes photos, et mes vidéos je ne me rappelle pas comment ont grandi mes enfants, les moments que j’ai pu passer avec ma famille, ma femme, mes amis. Tout me parait très loin, je suis détaché, sans émotion. J’ai l’impression que les dix dernières années ont disparu, comme si j’étais passé instantanément de 27 à 37 ans en un clignement d’œil. Un voyage vers le futur. Finalement j’y ai eu droit. C’est moins cool que ce à quoi je m’attendais.

=> Voulez-vous vraiment suspendre votre compte Facebook ? Vraiment ? VRAIMENT ? Mais, comment vous allez parler à vos amis ? Hein ? Comment ? <=

=> Etes-vous sûr de vouloir arrêter Twitter ? Allez !! Un tweet, juste un tweet ! C’est rien un tweet ! Allllllezz fais pas ta puuuuuuute !!! Cliiiiiiiques !! <=

Restructuring life in progress………..