Présentation
Bimbo est un jeu de Grégory Privat paru chez Sans-détours. Il se présente sous la forme d’une boite en carton épais et contient trois livrets (les règles, les conseils du Mj et les scénarios), trois dés à 6 faces, une feuille de personnage à photocopier, et deux sets de cartes l’un pour les plans cinématographique et l’autre pour les clichés, deux concepts dont je parlerai d’ici quelques instants.
La boite est belle, les illustrations abondantes donnent bien le style du jeu, un hommage aux films de séries Z, du grindhouse très petit budget des années 70 à 80, dont les récents Planet Terror de Tarantino et Machete de Rodriguez sont les dignes représentants.
Je vais rapidement parler de la qualité de fabrication. Le carton de la boite est un peu moins épais que ce que je pensais au départ mais surtout le pelliculage de l’un des livrets a commencé à partir après seulement quelques heures de transports dans mon sac à dos, sans soins particuliers, mais sans que je fasse n’importe quoi avec non plus. Sans-détour a été très réactif et m’a changé immédiatement le livret défectueux. J’espère juste pour eux que ce n’est pas un défaut général et je tiens à saluer leur efficacité pour régler ce problème.
Bon, à part ça, à part ranger son matériel correctement, éventuellement y ajouter l’écran, la boite ne sert pas à grand-chose. Je n’ai pas trouvé l’utilité pour les cartes non plus vu que les règles n’y font pas appel. Donc je ne sais pas trop pourquoi ce format a été choisi.
De quoi ça parle ?
Dans Bimbo, les joueuses (le jeu part du principe que les joueurs sont des femmes et le maitre de jeu, un homme) jouent des actrices jouant elles-mêmes un rôle dans des films à petits budget. Le maitre de jeu est le metteur en scène, celui qui va présenter le scénario, sous forme d’un script décrivant une suite de scènes.
Le vocabulaire cinématographique est omniprésent et l’univers lui-même tourne autour des actrices. Contrairement à d’autres jeux de rôles, Bimbo est un jeu de compétition, avec une gagnante à la fin du film. C’est assez original pour être mentionné. L’idée est que les actrices vont tenter de faire progresser une jauge appelée Star-system, leur permettant d’être des vedettes plus en vue et de gagner plus de pognon que les autres.
Le fait qu’il s’agisse d’un film, avec ses scènes, ses clichés, ses crises artistiques et ses effets spéciaux foireux et pauvres est parfaitement assumé et cela va se ressentir tout au long des règles.
Livret 1 : les règles
Ce livret fait 64 pages et commence bien sûr par la création du personnage, l’actrice, qui va devoir écrire son book (sa feuille de personnage) en commençant par décrire son répertoire, ce qu’elle sait jouer en fait. C’est un système de phrases courtes (il faut en choisir 5) comme « mon père m’emmenait chasser avec lui lorsque j’étais adolescente » ou « Brenda est infirmière sexy le jour et danseuse de pôle-dance la nuit ». Ensuite la joueuse va souligner des mots qu’elle trouve important et leur assigner une valeur entre 1 et 3. Ces valeurs seront ses capacités et serviront lors des scènes à régler les oppositions.
Au cas où la joueuse se trouve bloquée, il y a aussi la possibilité de mettre simplement des mots à la place des phrases, genre Belle, Agile etc.
Elle doit ensuite répartir 6 points entre Sexy (qui définit d’une part son sex-appeal mais aussi ses possibilités de refaire certaines scènes) et Macho (qui détermine à quel point elle a des cojones et mais aussi son endurance et sa capacité à se surpasser).
On termine par une phrase culte (une punch-line à placer qui permet de gagner du star-system), éventuellement un caprice de star (une sorte de défaut) et c’est tout.
C’est plutôt simple, efficace et descriptif, mais je suis mauvais juge, j’adore les systèmes de traits.
Le deuxième chapitre parle de la gestion de carrière. Comme c’est une compétition il y a un certain nombre de règles à respecter. Déjà il faut terminer le film. Le Mj a donc un système de points à attribuer en fonction des actions communes des joueuses. Par exemple terminer une scène et placer des punchlines apportent des points, ne pas jouer une scène ou ne pas parler quand c’est à toi de le faire en fait perdre.A la fin les points sont comptés, et si c’est positif le film est terminé. On ne connait pas encore sa qualité mais au moins il est fait. Dans le cas contraire c’est un échec général et la production ne revoit pas son argent ce qui signifie que les futurs films seront plus compliqués à faire et que les actrices qui auront misés de l’argent dans le film sont sur la paille.
Ensuite, à titre individuel, chaque actrice qui termine une scène gagne du star-system. Et donc rien n’empêche les coups bas comme les paroles prononcées au dernier moment avant que le Mj ne coupe par exemple. J’en profite pour parler du point de destin des actrices, le coupez-on-la-refait. A n’importe quel moment, une joueuse peut décider de rejouer une scène à partir d’où elle veut, soit entièrement, soit moins. Le morceau demandé est rejoué comme s’il n’avait jamais existé, jets de dés compris. Le fait que les joueuses connaissent déjà le script n’est pas un problème. C’est d’ailleurs indiqué plusieurs fois, les actrices sont censées avoir lu le script avant (mais pas forcément les joueuses).
Le jeu tourne donc non pas sur la découverte d’une histoire mais bien sur la manière de la raconter ! Une fois qu’une scène est tournée (éventuellement coupée) on passe à la suivante et ainsi de suite.
Le troisième chapitre parle de l’opposition. On arrive au cœur des règles. En gros, à chaque fois que quelqu’un décrit quelque chose et qu’un autre n’est pas d’accord, on crée une opposition. Le Mj et la joueuse définisse ce qu’ils souhaitent obtenir de l’opposition, et la manière dont ils s’y prennent pour la gagner.
Il faut définir des objectifs qui passent bien à l’écran et qui ne soient pas une simple réussite ou un échec. Genre en combat, en fonction de l’adversaire (Figurant, Second role ou vedette) tu vas choisir si tu le descends, l’assomme, l’envoie dans le décor etc.
Ensuite la joueuse lance 3d6, prend le plus élevé et ajoute jusqu’à trois capacités (Sexy et Macho étant des capacités). L’adversaire lance entre 1 et 3d10 (qu’il n’y a pas dans la boite) en fonction de son statut (F,SR,V) et ajoute aussi des capacités s’il en possède, celui qui fait le meilleur jet remporte l’opposition et son adversaire perd un point d’endurance. Dans le cas d’une vedette, elle est blessée (ou humiliée, gênée ou autre), sinon l’adversaire est simplement dégagé.
Encore une fois c’est très simple et rapide, si on arrive à s’entendre sur l’objectif. Et toutes les oppositions fonctionnent de la même manière. Les armes sont cosmétiques et n’ont d’intérêt que narratif et les personnages ne peuvent pas mourir avant la dernière scène.
Je passe rapidement sur le reste, mais sachez que les actrices ont encore d’autres possibilités d’actions, comme utiliser des plans comme un plan rapproché, qui permet d’obtenir des bonus à certaines actions (genre un plan sur les mains de l’actrice qui tente de crocheter une serrure), le travelling, qui permet de faire plusieurs actions de suite, le plan large, qui permet de voir des choses qu’elles ne pourraient pas voir normalement ou le flashback, qui permet de jouer une scène antérieure (ahah en fait j’avais un parachute). Enfin les actrices peuvent engager des intermittents lorsqu’elles ont besoin de contacts par exemple, ou d’aide diverses ou encore la possibilité de claquer leur propre argent pour ajouter des effets spéciaux (voiture qui explose, hélicoptère pas miniature etc.)
L’argent dépensé par les actrices est donc misé et récupéré si le film est terminé et marche. Sinon non.
J’aime bien les règles, je les trouve sympas et efficaces. Les actrices sont extrêmement favorisées et parfois connaissent même le script à l’avance. Je suis curieux de voir ce que ça donne en partie.
Bon, par contre, avant d’arriver à comprendre et à résumer il aura fallu passer les longues phrases et les circonvolutions du texte. C’est franchement bordélique, bourré d’humour très moyennement drôle à mon gout, et l’ensemble aurait très bien pu faire moins de 10 pages. Il y a plein d’encarts, notamment un qui s’appelle Making-off qui donne le point de vue de l’auteur sur divers point de règles. C’est moins informatif que ce à quoi je m’attendais, et ça fait un peu remplissage. Globalement, je trouve que ça manque un peu de pédagogie.
Livret 2 : Les conseils
C’est là aussi un livret de 64 pages, entièrement dédié à la mise en scène. C’est pour moi, et de loin, le meilleur chapitre. L’humour est beaucoup moins présent et l’auteur cherche vraiment à expliquer le style de jeu et de film, la compétition et la mise en scène elle-même via les plans, les effets spéciaux, le budget etc.
On comprend bien qu’il s’agit d’un film, que le scénario lui-même n’a que très peu d’importance et que tout tourne autour des relations entre les actrices elles-mêmes et avec le metteur en scène et la production.
Si le style est toujours le même, il passe beaucoup mieux dans ce chapitre.
Livret 3 : les scripts
Un petit livret de 32 pages cette fois, avec plein d’illustrations et écrit gros. Il présente plus d’une douzaine de scripts super basiques qui tiennent sur une page ou deux à chaque fois. Vraiment rien d’original pour ceux qui connaissent ce genre de film.
Je suggèrerai aux metteurs en scène en panne d’idée après ceux-là d’aller faire un tour sur nanarland, ils devraient trouver une belle liste de films desquels s’inspirer.
Conclusion
Sachant que le thème du jeu pouvait être polémique, l’auteur écrit deux paragraphes d’intention expliquant qu’il voulait faire jouer des femmes fortes évoluant dans un environnement compétitif et sachant s’en sortir par tous les moyens. Le problème c’est que ces deux paragraphes sont soit au milieu du jeu soit à la dernière page et qu’ils sont parfaitement contredits par tout le reste.
Pendant tout le jeu, les actrices sont considérées comme des abruties, incapable de faire quoique ce soit d’autres que passer sous la table et se battre mesquinement pour être la dernière à passer à l’image, quitte à aller se plaindre à la production en avançant des arguments se résumant à l’utilisation de leur physique avantageux.
Je m’en suis ouvert à l’auteur qui m’assure que c’est de l’humour, que c’est volontairement outrancier (ce que je veux bien croire) et que ça ne gêne pas les joueuses à priori. Disons-le tout net, moi ça m’a gêné. Beaucoup et souvent. C’est encore une fois de l’humour dominant, toujours le même, toujours contre les femmes jugées idiotes. Moi ça ne me fait plus rire depuis longtemps. J’aurais trouvé plus audacieux de se moquer du producteur ou du metteur en scène par exemple. Disons de renverser les rôles pour une fois. Là, à la énième évocation de pantalon baissé, j’avoue que ça m’a un peu saoulé. Donc je vais partir du principe qu’il s’agit d’une maladresse et parler du jeu en lui-même.
J’ai vraiment une impression de demi-teinte. Les règles de bases sont simples et fonctionnelles mais il faut arriver à les extraire de l’ensemble des petits points, des trucs à ajouter et des règles additionnelles. Les conseils sont vraiment biens mais les scripts ne sont pas supers. Un peu comme les films qu’ils décrivent, ce qui a du sens finalement.
Le côté cinéma est bien rendu et les diverses originalité bienvenues et je suis vraiment curieux de voir ce que ça donne à table. Bimbo est par nature un jeu à jouer en campagne, pas mal de règles faisant référence au star-system qui se joue surtout en dehors des films.
Donc à mon avis un bon jeu, mais un peu fouillis, de bonnes intentions mais mal développées et pas mal de fun et de crêpage de chignons en perspective.
Un article intéressant sur l’humour de dominant, et l’humour d’exclusion chez Uneheuredepeine.
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