26 octobre 2016

Cours Florent – Première échéance part1

cours-florent-inscription-2015« Hmmm, j’ai bien une classe mais le plus vieux a 29 ans, ça vous gêne ? »

Quelques jours après le stage d’accès je me retrouve au secrétariat pour me trouver une classe. L’assistante me regarde, prend un air embêté et m’annonce ce que je sais déjà, je suis plus vieux que tout le monde, et pas qu’un peu. Mais c’est pas grave, je lui dit en rigolant que c’est plutôt eux qui allait être gênés, ahah. Hem.

Elle rigole, un peu, en validant mes horaires de cours : Lundi, Mardi et Jeudi de 19h30 à 20h30.
Pour les gens qui ont fait le stage d’accès comme moi, le premier cours est début Octobre, un mois après la rentrée officielle. On est trois à débarquer un peu à l’improviste, une fille super sympa un peu fofolle, un gars qui était avec moi en stage d’accès (ma bouée de sauvetage) et moi.

Le premier contact avec les autres est un peu difficile au départ, après tout ils ont eu un mois pour se trouver, pour créer des liens. Je repère les regards intéressés, ceux qui s’en foutent (la plupart) et ceux qui m’aiment pas d’entrée de jeu. Ça parait bizarre dit comme çà, mais j’ai le sens de l’observation pour ces choses-là et suffisamment de psychologie pour piger rapidement les rapports sociaux. Je ne sais pas s’il s’agit d’une prophétie auto-réalisatrice, ou d’une incapacité à changer d’avis après une première impression, mais je me trompe rarement.
Tant pis, je ferai avec que je me dis, mais je mens, je veux plaire à tout le monde, et je commence déjà à me mettre en mode séduction.

Le prof est plus jeune que moi, je le tutoie d’entrée de jeu, par habitude. Il n’émet pas d’objection et nous présente rapidement au reste du groupe avant de nous expliquer ce qu’on va faire.
Le cours est divisé en deux parties de durées inégales et aléatoires. D’abord des exercices, puis le travail sur des scènes en cours.

Les exercices sont similaires à ce que nous avions déjà fait en stage d’accès mais on en ajoute d’autres, notamment des exercices de relaxation.
L’un d’entre consiste à s’allonger sur le sol, les yeux fermés et à laisser son esprit parcourir son corps. On commence par exemple par une main, on imagine suivre son contour, tourner autour du poignet, remonter le long du bras, puis de l’épaule, le cou, la tête, puis l’autre bras, le torse, le bassin, les jambes, très lentement, en laissant tous les tracas et les interrogations de la journée disparaître, pour être le plus présent possible, le plus près possible de soi, et ne penser qu’à l’instant.
Ne penser qu’à l’instant présent, la chose la plus difficile que je puisse faire à ce moment. Mon esprit errant constamment entre dix mille choses sans importance, incapable de se concentrer plus d’une fraction de seconde. Mais je fais des efforts, j’apprends, je me détends, un peu.

Un autre exercice consiste à travailler l’adresse, comme lorsqu’on s’adresse à quelqu’un. Lorsqu’on parle normalement à quelqu’un, cette personne sait souvent qu’on s’adresse à elle. Soit parce qu’on lui parle en face, mais ça fonctionne aussi lorsqu’on est de dos par exemple. Dans cet exercice, on se met par deux puis l’un des partenaires ferme les yeux et marche dans l’espace sans savoir où il va, uniquement guidé par la voix de l’autre partenaire. Comme tout le groupe le fait en même temps, le volume sonore commence à monter et rapidement plus personne ne s’entend. C’est là que ça devient vraiment intéressant, parce que le professeur nous demande à tous de baisser la voix, de murmurer, ou de chuchoter. Charge à celui qui est guidé de faire le tri dans sa tête entre les différentes voix pour marcher sans percuter ses voisins.
Et le plus fort c’est que ça marche très bien, c’est très impressionnant de se rendre compte qu’un murmure au milieu d’un brouhaha peut parfaitement être entendu si la cible se concentre suffisamment. On peut aussi y ajouter une difficulté, en demandant à celui qui guide de se déplacer aussi. Et malgré cela la cible comprend les ordres et se laisse guider.

Après les exercices, on travaille des scènes.
L’année est divisée en échéance, des examens où nous devons passer, seuls ou en groupe, devant notre professeur mais aussi un autre professeur ou même un directeur, pour juger du travail accompli. Pour cette première échéance nous travaillons sur une pièce appelée Elvire Jouvet 40, un cours de théâtre que Louis Jouvet donna en 1940 à un groupe de comédien devant jouer Dom Juan. Il s’adresse à la comédienne qui doit jouer Elvire et la conseille. D’un véritable cours au départ, il a été produit une pièce. Du théâtre sur du théâtre en sorte.
Y’à un côté méta qui me plaît bien.

« T’es mort pour moi ! »

Nous devons aussi choisir une scène moteur, ou scène source, quelque chose qui nous représente, qui parle un peu de nous, un truc personnel.
Je repense aux quelques mois qui précèdent, à mon état d’esprit du moment, à ma frustration et je décide de ressortir un texte que j’avais écrit dans le métro, en rentrant chez moi après un soir de beuverie chez des amis, un truc de rageux, sale, misogyne, probablement un truc d’ado mal dans sa peau mais aussi un cri du cœur qui passerait bien sur scène.
J’en parle un peu autour de moi, trop violent, personnage malsain. J’entends les remarques et décide de le réécrire pour l’alléger, ajouter un contrepoint au discours original. Ça passe mieux mais c’est pas encore tout à fait çà. Mais je m’en fous, c’est mon texte et le changer encore serait trahir encore plus l’intention initiale, alors je prends cette mouture et je la lis devant la classe, le cœur battant, et la flippe dans les tripes.

Conseil d’ami