4 septembre 2014

Soirée mortelle

MéganeIl devait être près de 22h ce soir-là lorsque nous sommes arrivés en vue de la maison de Loïc. On était quatre dans la voiture. Y avait Mathilde ma best friend forever, John, le beau gosse dont toutes les filles étaient amoureuses, et qui se trouvait être mon frère, et puis Lucie aussi. Une peste qui se teignait les cheveux en rouge et qui se mettaient des boucles d’oreilles en formes de croix inversées pour faire sombre et mystérieux. N’empêche qu’elle savait conduire et qu’elle avait sa propre voiture. Et moi Mégane, la plus petite de la bande. Loïc nous avait dit : « Vous allez voir, on va s’éclater. J’ai la maison des parents pendant tout le week-end et Michel est allé faire les courses au supermarché. On va picoler grave. » Moi, j’avais jamais vraiment bu.

Jusqu’à hier soir.

On était sortis en boite avec les copines et pour pas passer pour une cruche, j’avais pris un truc. Rien de grave, c’était un kirsch, je crois. Ou un kir, je sais plus. Y’avait de la musique forte. On était venus là pour fêter la fin des cours, pour décompresser un peu quoi. Bref, j’ai pris un verre puis un deuxième qu’un mec m’avait offert. Hyper sympa, brun avec une mèche qui lui tombait sur les yeux et surtout, un sourire à tomber de sa chaise. Il m’a dit que j’étais jolie, qu’il n’avait jamais vu une fille comme moi. Je suis devenue toute rouge et j’ai rigolé bêtement. Qu’est-ce que je pouvais dire ? Je me souviens plus de quoi on a parlé mais je sais juste qu’il a fini par m’embrasser dans les toilettes. C’était mon premier vrai baiser. Il était plus grand que moi et il savait y faire. À un moment il m’a dit qu’il allait me laisser un souvenir. Il m’a embrassée dans le cou. Ça m’a piqué un peu mais j’ai adoré ça. Il m’a fait un gros suçon puis il est parti en me laissant là comme une conne. Sans même me filer son numéro ni aucun moyen de le revoir. De toute façon je n’y pensais même pas. C’est sûr que je pensais pas trouver mon prince charmant dans une boite de nuit pourrie de la banlieue parisienne mais quand même. La soirée a continué mais je me suis senti vraiment fatiguée. Ce sont mes potes qui m’ont ramenée chez moi. Je racontais n’importe quoi. Enfin, au moins il s’est rien passé de grave. J’ai bien trouvé John qui dormait dans le canapé, il n’avait même pas eu le temps d’aller dans sa chambre cet imbécile.

J’ai dormi toute la journée je crois. Si ça se trouve y avait pas que de l’alcool dans le verre. Ma mère m’avait dit une fois qu’il fallait se méfier quand on vous offrait quelque chose, surtout si c’était un inconnu. Enfin là, le mec il m’avait embrassée, c’était plus vraiment un inconnu non ?
À un moment, John s’est levé et m’a dit qu’il fallait partir.

Tu te rappelles qu’on doit aller chez Loïc ?
– Mais c’est ce soir ! rétorquai-je d’une voix pâteuse.
– Heu ouais, mais ce soir c’est maintenant en fait. T’as dormi comme une masse, poulette. Allez, va te doucher et on y va vite. Hé, mais c’est quoi ça ? me demanda-t-il en pointant mon cou d’un doigt accusateur.
– C’est rien, laisse tomber.

J’ai pris un foulard qui trainait là et je l’ai mis autour de mon cou. J’allais quand même pas tout raconter à mon frère non ? C’est personnel ces choses-là. Par contre, aussitôt douchée je disais tout à Mathilde. Elle était trop contente pour moi. Elle m’a dit qu’elle connaissait le gars, un mec qu’elle avait déjà vu au lycée.

Après la douche, je me suis senti hyper bien. J’ai mis une petite robe noire et des boucles dorées. Un peu de maquillage sur les yeux pour me donner un air un peu plus vieille et du gloss. J’étais belle et je le savais. J’avais des vues sur Loïc depuis un moment mais je n’avais jamais osé lui parler. Avec ce qui s’était passé dans la boite, j’avais pris un peu confiance en moi. Ce soir, c’est sûr, je l’embrasserais !

Mon ventre se mit à gargouiller. Forcément après 24 heures sans manger. Mais rien ne me disait. De toute façon la robe était trop serrée pour que j’avale quoi que ce soit et le frigo était vide. On était vendredi et ma mère ne faisait les courses que le samedi.

Le klaxon de la voiture de Lucie sonna deux fois, c’était l’heure de partir. Un dernier coup d’œil dans le miroir (j’avais une mine affreuse mais ça allait quand même), un remontage de collant, une retouche de gloss et c’était parti.
On a mis un temps infini à trouver, c’était hyper mal indiqué et le GPS était complètement paumé. Y’avait comme une sorte de brume. Les autres n’y voyaient rien. Moi ça allait, avec la lune et les étoiles on y voyait quand même un peu. Loïc était sur la route avec une lampe-torche pour nous indiquer le chemin. La maison de Loïc était une sorte de manoir au milieu des bois avec un grand terrain et de la brume qui brillait dans la clarté de la lune. Super bizarre, on aurait dit des effets spéciaux. Il nous a guidés jusque sur le parking puis nous a emmenés dans la maison. J’ai frissonné en entrant, je ne sais pas pourquoi.

À l’intérieur on aurait dit un manoir de vieux films. Y avait un feu qui brulait dans une grande cheminée. Un gros feu même, c’était flippant, on aurait dit qu’il cherchait constamment à s’échapper. Au-dessus de la cheminée trônait une grosse tête d’ours. Loïc nous a dit que c’était son père qui l’avait tué à la chasse il y a quelques années. Et il y avait même la peau de l’ours sur le sol. Lucie faisait toujours la tête, elle disait qu’il ne fallait pas tuer les animaux, qu’ils n’avaient rien fait. Qu’ils n’étaient guidés que par l’instinct. Et que s’ils tuaient, c’était juste pour manger. Elle disait ça d’un air de reproche, comme si on y pouvait quelque chose. Moi ça m’a fait mal au cœur.
Mathilde est partie dans la cuisine avec John. Elle rigolait bêtement en regardant mon frère. De là où j’étais j’arrivais encore à les entendre glousser. Qu’ils étaient bêtes, tout le monde voyaient bien qu’ils voulaient s’embrasser.
Ce qui a permis à la fête de commencer c’est quand Michel est arrivé avec les bières et la tequila. Je mourrais littéralement de faim et de soif. Ma robe me serrait alors j’ai ouvert un des boutons sur le devant. Tant pis si trop mon décolleté baillait un peu trop. Michel s’est approché de moi et s’est penché pour m’embrasser. Il avait une drôle d’odeur. Un truc écœurant, comme s’il s’était enduit le visage avec de la mousse et des écorces d’arbres. C’était mélangé à de la sueur. Même son regard était bizarre. Mince, il voulait quoi à la fin ? Lorsqu’il m’a embrassé j’ai tourné la tête. Je ne voulais pas le vexer mais c’était plus fort que moi. Il avait une grosse veine qui battait sur son front. Berk.
Je me suis dépêchée d’aller voir Mathilde. Au moins personne ne l’embêtait elle.

– Je crois qu’il veut te chopper, me dit-elle soudain sans me regarder.
– Hein ? Mais pourquoi moi, pourquoi maintenant ?
– Je sais pas. T’aurais peut-être pas du t’habiller comme ça. On voit tout là.
Comment ça ? J’étais habillée parfaitement normalement, un peu jolie mais sans plus. C’était pas option découverte non plus !
– Heu d’abord je m’habille comme je veux ! rétorquai-je.

J’avais du parler un peu trop fort parce que tout le monde s’est retourné vers moi. Rouge de honte, je suis partie bouder dans un coin en remettant en place ce satané bouton. La fatigue aidant je me suis assoupie.
Lorsque j’ai ouvert les yeux la soirée avait bien commencé. Tout le monde dansait. J’aimais bien cette chanson de Ace of Base qui passait souvent à la radio. J’avais les oreilles qui bourdonnaient, un mal de ventre terrible et tout me paraissait ralentit. Comme si je bougeais dans du coton.
D’un coup j’ai vu Loïc qui montait à l’étage en titubant, une bouteille à la main. D’un geste du menton il m’invita à le rejoindre. Il était beau. Grand et fin comme un personnage de manga. Il avait une chemise blanche qu’il avait laissée ouverte sur son torse imberbe. J’aurais voulu y plonger mes ongles. L’attraper et le serrer contre moi.
Alors que le reste de la bande était resté en bas, je prenais l’escalier. J’entendais encore les cris et les rires de Mathilde, John et Michel. Même Lucie avait laissé tomber le masque et avait l’air de s’amuser. Ils avaient des postures étranges, presque grotesques.

Loïc sentait bon. D’un geste il me prit par la taille, m’attira contre lui et m’embrassa. J’étais un peu déçue, il n’était pas aussi bon que l’inconnu de la boite. Alors j’ai pris les choses en main. Je l’ai bousculé sur le lit de ses parents. Il s’est débattu un peu alors que je lui maintenais les bras et que je descendais lentement ma bouche sur sa poitrine. Je suis allée jusqu’à sa ceinture que j’ai enlevé d’un coup de dents. Comme si j’avais fait ça toute ma vie ! Je n’avais même pas honte, je me suis juste demandé comment j’avais fait aussi vite. Loïc ne bougeait plus, je crois qu’il en attendait plus. J’entendais encore les bruits en bas, c’était toujours la même chanson qui passait. J’avais l’impression d’entendre toujours la même chose, les mêmes rires, les mêmes blagues qui se répétaient.

Loïc s’était renversé du vin dessus. Sa chemise était maculée de rouge mais il ne disait rien. Il devait avoir trop bu. J’ai léché le vin, tout le vin. C’était épais et sombre. J’ai rigolé. Loïc ne bougeait toujours pas. Ses bras, que j’avais maintenu en l’air, faisaient un angle bizarre avec sa tête. Quand j’ai fini, Loïc s’était endormi.
Un peu vexée que ma première expérience n’aille pas plus loin, je suis redescendue. Il n’y avait pas de musique, pourtant je l’entendais encore. Mes amis étaient allongés sur le sol, pourtant je les voyais encore danser. Les flashs se succédaient dans ma tête, comme si je voyais plusieurs films en même temps, comme si toutes les scènes se mélangeaient, se jouaient l’une sur l’autre. Je ne savais plus où j’étais. L’image du garçon de la boite m’apparut, ses mots susurrés alors qu’il m’embrassait :

« Cela fait longtemps que je te cherche. Tu es différente des autres. J’ai besoin de toi pour m’aider mais il faut que tu te révèles toute seule. Que tu montres ta force. Là où je t’emmène tu seras seule. Je vais te laisser un souvenir. »
Autour de moi tout le monde était mort. Mathilde et John étaient pendus dans la cuisine. Michel avait été égorgé et Lucie était clouée à la cheminée, un tisonnier lui transperçant la poitrine. Au premier étage Loïc était disloqué, ses épaules et son cou brisés. J’étais couverte de sang des pieds à la tête. Je voyais encore mes amis tenter de s’enfuir alors je brisais leur corps au son de « All that she wants ».

On frappa deux coups à la porte. Dégoulinante, marchant comme un zombie, j’ai tourné la poignée. Mais il n’y avait que le vent. Personne d’autre que mon imagination. Personne pour m’aider. Juste une voix qui résonnait dans ma tête, la voix de mon maître.

Artefya – Cartographie sommaire et mouvante #2

La place des marchés

Le clampin moyen veut toujours acheter des trucs. Une nouvelle épée plus magique que la précédente, des potions d’on-sait-pas-trop-quoi, ou tout simplement de la nourriture ou des armures. Il y a évidemment des commerces dans tout Artefya (et dehors aussi) mais la place des marchés est ouverte 24h sur 24 et on y trouve de tout.
D’ailleurs c’est plutôt une large rue, pas vraiment une place. Des boutiques temporaires, constituées de palissades ou de toile de tente, ouvrent nuit et jour dans une pagaille, de façade, indescriptible.
Ici n’importe qui peut vendre. Nul besoin de papier ou d’autorisation de la mairie, seul un pourcentage sur les recettes doit être reversé aux Archivendeurs, la guilde des marchands, dont les agents armés patrouillent sans cesse, veillant au grain (et parfois à l’ivraie).
On y trouve tout ce qu’on peut trouver dans un marché mais aussi du matériel magique, alchimique et mécathurgique. Bien sûr, il y a des escrocs et des aigrefins prêt à vendre (et acheter) n’importe quoi, même (surtout), si c’est dangereux. Potion explosive, prototype pas forcément au point, onguents merveilleux, volplane troué ou encore BotaMénage défectueux sont le lot quotidien des gog..aventuriers émerveillés comme des enfants dans un magasin de jouets.

Ça c’est pour l’aspect le plus visible. Mais les Archivendeurs sont aussi spécialisés dans une autre sorte d’échange : les contrats, ce qui parfois poussent certains habitants bien renseignés à parler plutôt de place des combines.
En effet, la guilde offre à qui le souhaite la possibilité de sceller officiellement un contrat. Elle permet, contre honoraire, d’utiliser ses alcôves, le conseil de ses membres versés dans le droit qui convient et éventuellement certains mages traditionalistes possédant encore d’antiques savoirs de représailles.

Lions des artsLa place des arts

Située au centre de la ville, dans Artefya la séculaire (la ville ancienne), cette allée de dizaines de mètres de large et de long, couverte de verdures et de sculptures, comportant un manège ainsi qu’une grande estrade est le point de rencontre privilégié des étudiants, des promeneurs et des artistes venant s’y produire régulièrement. Le fleuve y coule tranquillement et des ponts de bois blanc au charme suranné y sont disposés pour le plus grand plaisir des badauds.
Très souvent, des expositions sont organisées et les plus grands virtuoses y côtoient les moins doués dans un mélange souvent (d)étonnant.

On peut citer Mina Hervina, la célèbre et très snob artiste méduse et ses statues plus vraies que nature, Izzi Kizzi le gobelin directeur d’un théâtre de marionnettes de grand standing, Brandon le cracheur de feu et son élémental apprivoisé ou encore Lucien Grand-pavois chanteur ventriloque aux multiples voix et homme-orchestre de renom.

La place des arts est aussi un parc verdoyant possédant nombre d’espèces végétales rares, parfaitement entretenu par les druides-paysagistes d’Artefya.

Certains disent que la statue antique d’Onk le viril est capable de parler et même plus ! D’accord, la statue ne parle qu’aux jeunes filles seules et délurées. Du moins c’est ce qu’elles prétendent, gênées, aux agents de la maréchaussée venant les décrocher au petit matin de la garde de marbre sur laquelle elles auraient malencontreusement glissées. Mais quand même, on ne sait jamais. Je vais sans doute aller y faire un tour…

La serre

Au bout de la place des arts, la serre est un jardin où tout un chacun peut déambuler au milieu d’espèce végétales toutes plus exotiques les unes que les autres. On y trouve des arbres mystérieux portant des fruits toute l’année, des fleurs multicolores aux senteurs différentes pour chaque personne ou encore des plantes-créatures se déplaçant rapidement sur leurs racines pour se positionner juste sous les rayons du soleil, étendant paresseusement leurs grandes feuilles et se battant parfois lorsque le ciel est lourd et qu’il n’y a que peu de lumière.
Cet endroit est tout entier dédié à l’art floral et à la conservation des espèces rares. Les membres de l’ordre du Jardinet de Vertpouce s’occupent de l’espace et de l’entretien. Certains circulent parmi la végétation sous forme de plantes ou d’animaux et sont chargés de la protection physique des lieux, effrayant ou attaquant sans pitié les promeneurs sans gêne.
Quelques spécimens peuvent être dangereux et sont en conséquence placés derrière des barrières de bois. Bien sûr si des aventuriers venaient, pour une quelconque raison, à se battre dans ces lieux, il serait particulièrement dommage de ne pas les confronter aux végétaux suivants :

  • Perce-épine : C’est une ronce vivace aux épines roses et blanches. Elle a ceci de particulier qu’elle se reproduit en injectant ses graines sous la peau de l’infortunée victime qui s’y serait frottée de trop près. Si rien n’est fait pour soigner les très légères plaies, des démangeaisons apparaissent, de plus en plus fort au fur et à mesure de l’émergence d’épines sous la peau. Au stade final, qui peut prendre plusieurs semaines de douleurs atroces, le porteur meurt et germe, pas forcément dans cet ordre d’ailleurs, laissant la place à un nouveau perce-épine.
  • Fleur-poison : Une fleur d’une très grande beauté au parfum enivrant. Mais pas touche, son pollen est un puissant hallucinogène qui peut être préparé par un herboriste compétent, et peu regardant sur sa santé, en un poison mortel.

Toutes les plantes ne sont pas dangereuses. Certaines sont même très utiles.

  • La liane ouvrière : C’est une plante grimpante presque classique si elle ne disposait pas d’une intéressante propriété. Une fois coupée, la liane acquiert une texture particulière permettant d’être modelée assez facilement et de garder la forme ainsi fabriquée pendant quelques heures avant de sécher et de devenir inutilisable. Bien des roublards prennent avec eux quelques mètres de liane pour fabriquer une corde, une échelle, des outils de crochetage et même parfois des armes improvisées.
  • Abondance : cette plante à petite feuille et aux tiges courbées produit une fois par jour, si elle a été correctement arrosée, une énorme gousse suintante de sève. Ce fruit peut être mangé si l’on fait abstraction de sa texture visqueuse et de son goût hum…surprenant et dispose d’immenses qualités nutritives.

Le mieux c’est encore de cueillir le fruit et de le laisser durcir une semaine à l’air libre. Une fois cassé, le fruit d’Abondance ressemble à un gros œuf qu’il est possible de préparer en une savoureuse omelette.
Un œuf ? Personne n’a essayé de le laisser mûrir ? J’imagine que c’est pour ça que l’ordre du jardinet cueille systématiquement les fruits d’abondance et refuse de donner ou vendre des graines.