Orlanth

Des bières à Noël

Article pas sponsorisé du tout, ce n’est pas de la pub, et je n’ai pas été payé.


avent-biere

Il y quelques semaines, plusieurs personnes connaissant mon amour pour la bière m’ont envoyé des messages pas subliminaux du tout sur l’existence d’un calendrier de l’avent des bières. Il m’a pas fallu plus de 5 minutes pour que j’aille commander ce package sur Saveur bière, un site de vente par correspondance que je ne connaissais absolument pas avant ce fabuleux coup marketing.

La commande s’est effectuée sans aucun problème, très rapidement.

J’ai reçu trois mails avant la livraison en point relais et tout s’est passé parfaitement malgré l’affluence et le nombre de commande. C’est assez rare pour être signalé (il y en avait au 5 ou 6 en attente en plus de la mienne au point-relais, une petite boutique de fleur dans ma ville loin de la capitale, j’imagine pas ce que ça a donné pour les autres).

Faisant parti des pré-commande, j’ai reçu en cadeau une sorte de tapis pour poser sa bière, deux verres et un decapsuleur, le tout d’une qualité moyenne (verre fin, décap en métal découpé un peu brutalement).

Le colis faisant 22kg j’ai un peu galéré à le ramener chez moi en transport en commun, mais bon on a rien sans rien.

Ensuite j’ai attendu.

Et voici ce que j’ai découvert, jour après jour.


basqueland-season

1er Décembre

Saison Basqueland Brewing Project

Légère et fraiche, un peu d’artume mais pas trop, des arômes d’agrumes, une longueur en bouche moyenne, ça pétille un peu.

J’ai été un peu surpris, en bien, par cette première bière au goût délicat mais bien présent.

Note : 4/5 sur l’échelle de moi


hara-kiri

2 Décembre

Hara-Kiri

Un peu comme la première mais en moins bien. Légère aussi. Un poil plus houblonnée, elle me parait surtout un peu plus fade. Pas mauvaise du tout mais rien de transcendant, surtout après celle du premier jour.

 

Note : 2.5


baltic-porter3 Décembre

Winter Gorilla Baltic Porter

Une porter toute en puissance, aux arômes prononcés de café et de réglisse mais sans être écœurant. Une très grande longueur en bouche (on sent encore le gout après une minute). Une amertume plutôt faible.

J’ai adoré, mais j’avoue particulièrement aimer les stouts et les porters, alors je suis pas objectif. Je vais essayer de la retrouver en magasin celle-ci.

Note : 4.5/5 pour les gens qui aiment les goûts francs et directs.


winter-ipa4 Décembre

Winter IPA de chez Buxton Brewery

Une IPA corsée, à l’amertume prononcée mais gérable. Légèrement sucrée elle se boit très bien, avec un goût légèrement acidulé. J’ai bien aimé même si elle n’est pas exceptionnelle.

Note : 3/5

Exiftool

Accessoirement, dans la vie de tous les jours, je suis informaticien. Et mon travail m’oblige à une veille technique et me fait parfois découvrir des astuces, des programmes, des trucs et des machins que j’oublie souvent de conserver quelque part.

Je répare aujourd’hui cette erreur en inaugurant cette nouvelle rubrique, à la manière de Korben ou Sebsauvage.


Un mien collaborateur photographe passionné et compétent avait un besoin très spécifique pour effectuer des backups de ses photos. Plutôt que de copier dans le cloud 3.5To de photos stockées, il voulait faire une sélection de ses photos par leur note, le nombre d’étoile qu’il avait attribué, pour éviter de sauvegarder des photos de piètre qualité.

Les photos dont la note (ou rating) était supérieure à 2 devaient être copiées dans un répertoire spécifique avant d’être synchronisées.

J’ai trouvé un outil ultra-puissant (et le mot est faible) pour effectuer ce genre d’opération : exiftool
Cet outil en ligne de commande, gratuit, et multi-OS, est capable de lire et d’écrire les tags (ou metadonnées) d’un grand nombre de format de fichier, comme JPG, RAW, et bien d’autres, non limités à la photo comme le MP3 et bien d’autres.
Il existe des interfaces pour éviter la ligne de commandes, mais ceux que j’ai testé ne m’ont pas convaincu.

En attendant, pour résoudre son problème, j’ai utilisé la commande suivante (sous Windows) :

exiftool -o . -Filename=<destination>/%d/%f.%e -if "$rating ge <rating>" -r <source>

exiftool => programme à lancer
<destination> => répertoire de destination
<rating> => le rating minimum
<source> => point d’entrée du répertoire de base

Il est aussi possible de renommer en masse les fichiers en fonction des paramètres EXIF, comme par exemple la date, la résolution, ou n’importe quel autre paramètre.

Il est aussi possible de changer les paramètres EXIF de toutes les photos d’un répertoire (de manière récursive au besoin), pour par exemple, modifier la date ou géolocaliser les photos.

Clairement ce n’est pas un outil pour les utilisateurs lambda, mais les powerusers y trouveront sans problème leur compte.

Exiftool

Sketch – Vous dites ça parce que je suis Noir

Un petit sketch écrit il y a quelques temps comme ça, inspiré d’un article du Gorafi pour le thème, et des diablogues de Raoul Roland Dubillard pour la forme, et que je compte jouer pour une prochaine échéance.


UN : Vous dites ça parce que je suis Noir.

DEUX : Quoi ? Mais vous n’êtes pas Noir.

UN : Comment ça je suis pas Noir ?

DEUX : Ben non, vous n’êtes pas Noir.

UN : Ben si je suis Noir. C’est comme ça, je peux rien y faire, c’est mon truc, je suis Noir.

DEUX : Mais comment vous pouvez dire ça ? On voit bien que… enfin.. vous voyez quoi !

UN : Non je vois pas. Ah oui, d’accord ! Là non évidemment. Bien sûr, ça ne se voit pas immédiatement. Mais d’habitude oui, je suis Noir.

DEUX : Mouais, c’est pas clair votre histoire.

UN : Ben non. C’est même plutôt obscur.

DEUX : Quand même. On dirait pas. Ça m’étonne un peu.

UN : Ça vous étonne ?

DEUX : Oui

UN : Que je sois Noir ?

DEUX : Ben oui !

UN : Vous dites ça parce que vous êtes jaloux.

DEUX : Quoi quoi quoi ? Jaloux de quoi ? Allons, je m’en fiche bien de la couleur des gens. Vous pourriez bien être Blanc, Jaune, Noir ou même Vert tiens, que je m’en ficherai tout aussi bien.

UN : Vert ? C’est pas banal.

DEUX : Je vais vous dire, j’ai même connu un pied-noir qu’était peau-rouge. Alors ça !

UN : Ah bon ? Du coup, il était de quelle couleur ?

DEUX : Blanc. Un albinos c’était. Très sympa comme type. Le cœur sur la main.

UN : Un type généreux !

DEUX : Non, pas particulièrement. On l’a retrouvé un jour comme ça, allongé par terre, avec son cœur sur sa main. C’était pas joli à voir ! Ça a fait un foin, je vous dis pas.

UN : C’est trop tard.

DEUX : Quoi ?

UN : Vous me l’avez dit.

(Un temps)

DEUX : Et vous faites quoi dans la vie ?

UN : Moi ? Je suis acteur, comédien, amuseur, pitre et tutti quanti.

DEUX : Et tutti quanti ?

UN : Et tutti quanti !

DEUX : Tutti quanti, c’est pas un métier facile.

UN : Ah ça non, ça ne l’est pas. Il faut beaucoup travailler. Le jour, la nuit et même les week-ends.

DEUX : Et vous êtes célèbre ?

UN : Très ! Très célèbre ! Mais on ne me voit pas souvent.

DEUX : Vous êtes célèbre mais on ne vous voit pas ?

UN : C’est que voyez-vous, il n’y a pas de boulot tout le temps alors moi, je suis sur une niche.

DEUX : Vous avez des chiens ?

UN : J’ai un créneau, un truc à moi. Une spécialité disons.

DEUX : Une spécialité de niche ?

UN : En quelque sorte.

DEUX : Et c’est quoi votre niche à vous ?

UN : Moi je suis l’ami des gens.

DEUX : Vous êtes l’ami des gens ?

UN : Oui enfin pas de tout le monde bien sûr. On m’appelle pour certains cas spéciaux. Je travaille pour des gens célèbres. Pour des humoristes, ou des politiciens des fois ! Beaucoup de gens font appel à moi. Des particuliers aussi.

DEUX : Des particuliers ? Vous allez chez n’importe qui et vous devenez leur ami ?

UN : Pas n’importe qui. Vous savez bien, quand quelqu’un fait une blague douteuse, et que son public s’offusque. C’est là que j’interviens.

DEUX : Comment ça ?

UN : Et bien je suis l’ami Noir ! Vous savez bien, les gens disent toujours qu’ils ont un ami Noir. Et bien cet ami Noir, c’est moi.

DEUX : Mais ! Mais ! Mais c’est dingue ! Comment pouvez-vous être l’ami Noir de tout le monde ! Comme s’il n’y en avait qu’un en plus !

UN : De quoi ?

DEUX : Mais de Noir !

(Un temps)

UN : Vous dites ça parce que vous êtes raciste.

DEUX : Je ne suis pas raciste ! En plus, j’ai plein d’amis Noirs !

UN : Ah vous voyez ! Ce sont des acteurs aussi ?

DEUX : Je ne crois pas. Enfin, je ne vois pas le rapport.

UN : Parce que si ce sont des acteurs, ça veut dire que je ne suis pas tout seul sur cette niche alors.

DEUX : Faut que ça soit solide.

UN : C’est embêtant tout de même. Tous ces Noirs sur le créneau des Noirs. Un peu déloyal je dirais même.

DEUX : Faut vous diversifier.

UN : En plus, je n’ai même pas d’ami Noir.

DEUX : Faire autre chose.

UN : Je devrais me diversifier. Tiens, je vais faire Juif. C’est bien ça Juif non ? Comme ça je pourrais être l’ami Juif des gens. Ou l’ami Noir et Juif des gens. C’est pas mal ça.

DEUX : Mais j’y pense, si vous voulez ramener du monde sur votre niche, homosexuel, vous y avez pensé ?

UN : C’est un peu personnel comme question dites donc. Bon, je dirais que ça m’a bien effleuré, un moment, comme tout le monde, à l’adolescence je …

DEUX : Mais non, je parlais pour votre truc là.

UN : Ah. Et ben tenez pourquoi pas, comme ça je gagne sur tous les tableaux. On peut m’appeler partout. Je peux même cumuler si je veux. Je peux être l’ami Noir, Juif et homosexuel des gens qui font des blagues douteuses. Je vais en gagner de l’argent !

DEUX : Gagner de l’argent ? Parce que vous serez l’ami Juif des gens qui font des blagues douteuses ? Et vous ? Vous ne trouvez pas ça douteux ?

UN : Oh, pour ça, ça va. J’ai un ami Juif !

 

Cours Florent – Première échéance part1

cours-florent-inscription-2015« Hmmm, j’ai bien une classe mais le plus vieux a 29 ans, ça vous gêne ? »

Quelques jours après le stage d’accès je me retrouve au secrétariat pour me trouver une classe. L’assistante me regarde, prend un air embêté et m’annonce ce que je sais déjà, je suis plus vieux que tout le monde, et pas qu’un peu. Mais c’est pas grave, je lui dit en rigolant que c’est plutôt eux qui allait être gênés, ahah. Hem.

Elle rigole, un peu, en validant mes horaires de cours : Lundi, Mardi et Jeudi de 19h30 à 20h30.
Pour les gens qui ont fait le stage d’accès comme moi, le premier cours est début Octobre, un mois après la rentrée officielle. On est trois à débarquer un peu à l’improviste, une fille super sympa un peu fofolle, un gars qui était avec moi en stage d’accès (ma bouée de sauvetage) et moi.

Le premier contact avec les autres est un peu difficile au départ, après tout ils ont eu un mois pour se trouver, pour créer des liens. Je repère les regards intéressés, ceux qui s’en foutent (la plupart) et ceux qui m’aiment pas d’entrée de jeu. Ça parait bizarre dit comme çà, mais j’ai le sens de l’observation pour ces choses-là et suffisamment de psychologie pour piger rapidement les rapports sociaux. Je ne sais pas s’il s’agit d’une prophétie auto-réalisatrice, ou d’une incapacité à changer d’avis après une première impression, mais je me trompe rarement.
Tant pis, je ferai avec que je me dis, mais je mens, je veux plaire à tout le monde, et je commence déjà à me mettre en mode séduction.

Le prof est plus jeune que moi, je le tutoie d’entrée de jeu, par habitude. Il n’émet pas d’objection et nous présente rapidement au reste du groupe avant de nous expliquer ce qu’on va faire.
Le cours est divisé en deux parties de durées inégales et aléatoires. D’abord des exercices, puis le travail sur des scènes en cours.

Les exercices sont similaires à ce que nous avions déjà fait en stage d’accès mais on en ajoute d’autres, notamment des exercices de relaxation.
L’un d’entre consiste à s’allonger sur le sol, les yeux fermés et à laisser son esprit parcourir son corps. On commence par exemple par une main, on imagine suivre son contour, tourner autour du poignet, remonter le long du bras, puis de l’épaule, le cou, la tête, puis l’autre bras, le torse, le bassin, les jambes, très lentement, en laissant tous les tracas et les interrogations de la journée disparaître, pour être le plus présent possible, le plus près possible de soi, et ne penser qu’à l’instant.
Ne penser qu’à l’instant présent, la chose la plus difficile que je puisse faire à ce moment. Mon esprit errant constamment entre dix mille choses sans importance, incapable de se concentrer plus d’une fraction de seconde. Mais je fais des efforts, j’apprends, je me détends, un peu.

Un autre exercice consiste à travailler l’adresse, comme lorsqu’on s’adresse à quelqu’un. Lorsqu’on parle normalement à quelqu’un, cette personne sait souvent qu’on s’adresse à elle. Soit parce qu’on lui parle en face, mais ça fonctionne aussi lorsqu’on est de dos par exemple. Dans cet exercice, on se met par deux puis l’un des partenaires ferme les yeux et marche dans l’espace sans savoir où il va, uniquement guidé par la voix de l’autre partenaire. Comme tout le groupe le fait en même temps, le volume sonore commence à monter et rapidement plus personne ne s’entend. C’est là que ça devient vraiment intéressant, parce que le professeur nous demande à tous de baisser la voix, de murmurer, ou de chuchoter. Charge à celui qui est guidé de faire le tri dans sa tête entre les différentes voix pour marcher sans percuter ses voisins.
Et le plus fort c’est que ça marche très bien, c’est très impressionnant de se rendre compte qu’un murmure au milieu d’un brouhaha peut parfaitement être entendu si la cible se concentre suffisamment. On peut aussi y ajouter une difficulté, en demandant à celui qui guide de se déplacer aussi. Et malgré cela la cible comprend les ordres et se laisse guider.

Après les exercices, on travaille des scènes.
L’année est divisée en échéance, des examens où nous devons passer, seuls ou en groupe, devant notre professeur mais aussi un autre professeur ou même un directeur, pour juger du travail accompli. Pour cette première échéance nous travaillons sur une pièce appelée Elvire Jouvet 40, un cours de théâtre que Louis Jouvet donna en 1940 à un groupe de comédien devant jouer Dom Juan. Il s’adresse à la comédienne qui doit jouer Elvire et la conseille. D’un véritable cours au départ, il a été produit une pièce. Du théâtre sur du théâtre en sorte.
Y’à un côté méta qui me plaît bien.

« T’es mort pour moi ! »

Nous devons aussi choisir une scène moteur, ou scène source, quelque chose qui nous représente, qui parle un peu de nous, un truc personnel.
Je repense aux quelques mois qui précèdent, à mon état d’esprit du moment, à ma frustration et je décide de ressortir un texte que j’avais écrit dans le métro, en rentrant chez moi après un soir de beuverie chez des amis, un truc de rageux, sale, misogyne, probablement un truc d’ado mal dans sa peau mais aussi un cri du cœur qui passerait bien sur scène.
J’en parle un peu autour de moi, trop violent, personnage malsain. J’entends les remarques et décide de le réécrire pour l’alléger, ajouter un contrepoint au discours original. Ça passe mieux mais c’est pas encore tout à fait çà. Mais je m’en fous, c’est mon texte et le changer encore serait trahir encore plus l’intention initiale, alors je prends cette mouture et je la lis devant la classe, le cœur battant, et la flippe dans les tripes.

Conseil d’ami

Mais

J’inaugure une nouvelle rubrique, des pensées, des idées qui me traversent, des bouts de trucs écrits, des cris, parfois sans queue ni tête, des trucs qu’il faut que je sorte de ma tête.
Des pensées aléatoires.


C’est marrant l’amour quand on y pense.
C’est vraiment une question de moment, de direction. Un peu comme deux vecteurs qui auraient du mal à s’aligner.
Moi par exemple, il y a une femme que j’aime mais dont je ne suis pas amoureux.
Et puis il y a cette autre femme que j’aime vraiment aussi mais je ne suis pas amoureux non plus.
Il y a aussi cette femme dont je suis amoureux mais je ne l’aime pas. Pas vraiment.
Et puis surtout cette femme. Que j’aime et dont je suis amoureux.
Mais il y a un mais, ou des mais. Un tas de mais, des petits mais des gros mais.
Mais des mais à moi !
Je crois qu’elle a des mais aussi.
Des mais à elle cette fois.
Sans doute autant que moi.
On est pas aligné parce qu’on peut pas être aligné, trop de mais.
A l’intérieur mais aussi à l’extérieur.
Qu’est ce que les gens diraient ?
Et puis.
Je crois qu’elle ne m’aime pas.
Pas comme ça.
Des fois elle me le dit quand même.
Mais je t’aime !
Je t’aime.
Mais.

L’horreur ordinaire

Ma fille m’a raconté ça hier soir, tranquillement, sur le ton de la réflexion, brut de fonderie. Je retranscris quasiment mot pour mot.
L’horreur absolue.

– Alors ma chérie, ça se passe comment à l’école ? Les notes ? Avec tes amis ?
– Ben ça va bien papa. Je suis juste un peu triste.
– Pourquoi ?
– J’essaie de remonter le moral d’une copine. Elle a des petits soucis.
– Comment ça ?
– Elle est triste parce que son père est en prison.
– Hein ?
– Oui il est en prison en attendant son procès.
– Son procès ? Mais qu’est-ce qu’il a fait pour se retrouver en prison ?
.
.
– Il a violé ma copine.
– Hein ? Je. quoi ?
– Oui, elle est triste parce qu’elle a été violée depuis longtemps. Il a commencé quand elle était petite. Il disait qu’il allait lui mettre son pyjama, mais ça prend pas 10 minutes de mettre un pyjama hein papa ? Donc en fait il lui mettait pas vraiment son pyjama.
– Et heu. Comment tu sais que c’était un viol ?
– Ben elle m’a raconté. Au début elle pensait que c’était normal, que tous les papas faisait ça mais quand elle a grandit elle a compris que c’était pas normal en fait.
– Et sa mère ? Et ses autres parents ?
– Au début ils ont pas vu. Après je sais pas. Je crois que ça a mis longtemps avant qu’ils comprennent. Et maintenant ils attendent le procès.
– Et ta copine, heu, je veux dire c’est grave hein. Ça va ?
– Oui, elle est juste un peu triste. Papa ?
– Oui ma chérie ?
– J’ai de la chance que tu sois mon papa hein ?

Cours Florent – Stage d’accès part2

Travail de scèneTrès rapidement après les premiers exercices, la prof nous distribue des rôles. Pas vraiment au pif pour le coup, elle a utilisé ces premiers contacts pour nous donner quelques choses qui nous correspond, ou dans lequel elle aimerait nous voir. On va jouer du Pommerat, un auteur contemporain à l’écriture un peu particulière mais pas trop décalée pour qu’on ne se sente pas trop perdu. Je me retrouve évidemment avec Noah et une fille aussi sympa qu’énergique mais un peu énervée car, selon elle, son rôle est moins important que les nôtres. Moins de lignes de texte, moins d’émotions peut-être, alors que pour moi, elle a justement un rôle plus subtil, plus fin et sans doute moins premier degré que le mien ou celui de Noah.

« De toute façon, tu m’écoutes jamais ! »

Je ne me souviens pas avoir appris un texte par cœur depuis au moins l’école primaire. J’ai toujours détesté ça pour des raisons à la con probablement. Ce qui est marrant c’est que je me souviens des règles de quasiment tous les jeux de rôle que j’ai lu, une question d’intérêt sans doute. C’est peut-être aussi pour ça que je me rappelle jamais de ce qu’on me dit…

Mais là c’est différent, je joue mon entrée dans la classe sur ce texte. Dix paragraphes qui me paraissent insurmontables. Chaque ligne est une épreuve mentale, je ne sais même pas comment faire. Je lis, je relis, je le chante, je m’enregistre, je me l’écoute tout le temps, dans le métro, dans la rue, pendant les cours, pendant la nuit. Quelle nuit ? Je dors presque pas, couché à minuit, relevé à 3h du mat’, la tronche en biais, les phrases qui défilent dans mon crâne, devant mes yeux. Je suis un zombie shooté à la coke, j’ai les yeux rouges et une volonté de fer.

Noah a deux scènes, et passe son temps dans sa bagnole à bosser presque tout seul. Ma partenaire me file quelques techniques et me fait répéter les enchaînements, elle m’aide énormément, me calme et me donne confiance en moi. Elle est grande gueule mais enjouée et vraiment intéressée. Ce qui est le cas de la majorité des autres élèves. Ça me change des formations ou les gens s’en foutent, des branleurs a qui on paye des cours, mais qui le prenne comme des vacances avant de retrouver leurs vies de merde. Ici ça bosse.

« Hey, je peux prendre une photo avec toi ? »

A l’occasion d’une pause, mon partenaire se fait interpeller en pleine rue par un gamin qui a eu l’air de rencontrer sa star favorite du moment. Il se trouve que le gars fait des vidéos sur le net, des trucs marrants, un peu communautaire black, je suis évidemment passé à côté. Il a des dizaines de milliers de gens qui le suivent, il joue des dans clips, connait de gros rappeurs, la classe un peu. Moi ça me fait marrer, je côtoie une star du net. D’autres élèves ont fait des trucs, untel une pub pour macDo, l’autre des années de théâtre amateur et veut passer pro, un troisième est déjà réalisateur et acteur pour une pub de dentifrice, y’a quelques expériences déjà. Moi j’ai bossé à la tv et je suis passé sur FunTv alors que je réparais un ordi sous une table pendant un direct, ça compte ?

Les cours sont toujours intéressant mais il faut se concentrer un peu plus. En fait, chaque scène est travaillée une par une devant la prof, les autres élèves étant sensé regarder et apprendre des autres avant de passer eux-mêmes. Dans les faits, la plupart ont préférés utiliser ce temps pour apprendre leurs propres textes ou utiliser leur portable. L’examen final (appelé échéance) se déroulant très tôt, la prof nous autorise finalement à travailler de notre côté, ce que nous faisons sans relâche jusqu’au dernier jour.

Lors de mes passages, je suis en transe, littéralement. Je me plonge à fond dans mon personnage de père au foyer, blessé par la vie, en rupture avec son fils qu’il aime mais avec qui il ne s’entend pas, humilié car il veut subvenir aux besoins de sa famille en homme et pas en assisté, et obligé de travailler avec une assistante sociale, dernier lien avec sa famille et son fils qui le bat. Une situation difficile, un cas social comme il peut en arriver tant. Je suis tellement dedans, et tellement sur les nerfs, que j’ai parfois du mal à sortir du personnage, à deux reprises il m’a fallu plusieurs minutes pour récupérer de cette tension.

Je vois la prof comme une sculpteuse, elle prend des gens qui font n’importe quoi et par gros mouvements ou petites touches, elle ajuste, elle pousse, elle cadre, elle nous apprend. Je vois chaque groupe qui évolue, qui prend de plus en plus conscience que la fin de la semaine approche, qu’il va falloir donner le meilleur. Y’a moins de blagues, moins de sourires, les visages sont crispés.

« Ah ouais c’est tendu quand même ! »

La première fois que je présente ma scène, elle reste quelques secondes bouche bée et me sort cette phrase qui restera gravée. Je ne sais pas si c’était bon, si c’était juste, si c’était intéressant, mais au moins c’était tendu, ce qui était exactement mon intention, et celle de mes partenaires. Je le prends comme un compliment. La première fois depuis longtemps où j’ai pas l’impression d’être une merde. C’est bon, ça fait du bien.

Le dernier jour arrive, et avec lui notre échéance. On passe devant la prof et le directeur de l’école. C’est pas rien.

Tout le monde donne tout ce qu’il a. Je vois des transformations incroyables, des larmes, des rires, de l’énergie. Parfois des textes oubliés, une fille qui pète un plomb à cause de la tension, putain la pression qu’on se met.

Puis le calme et le discours du directeur qui m’a touché et rassuré. Un truc du genre : « Je suis content de voir des gens d’horizons, d’âge et de parcours différents. Être acteur c’est avoir une personnalité, et la montrer. Sur scène on a besoin de voir des gens qui apportent ce qu’ils sont et surtout qu’on évite les clones. »

Ouais, y’a besoin de tout le monde.

Quelques jours après, je recevais un mail me félicitant de mon travail et m’autorisant à poursuivre ma formation à Florent.

Cours Florent – Stage d’accès part1

La veille du premier jour, je dors pas. Qu’est ce qu’il va se passer ? Dans quoi je me suis engagé ? Je viens vraiment de lâcher 400 boules pour une semaine de théâtre ? J’ai posé une semaine de congé juste pour ça, ça va être rude.

Mardi matin j’arrive devant le cours, une pauvre façade dans le 19ème, des tas de gamins fument des clopes en rigolant. Ils ressemblent aux abrutis de la pub l’Oreal, les cheveux en l’air, les sapes savamment choisies, faussement rebelles, que des faces de babtous bon teint. On est loin de la diversité.

Le gars de la sécu me regarde bizarre, il a dû croire que j’étais un prof je sais pas, mais je finis par rentrer dans le bâtiment. A l’intérieur c’est un peu délabré, du genre : « on a pas eu le temps de faire les finitions mais c’est pas grave ahah ». Non pas ahah. Un coup d’œil au tableau et je repère ma salle, et ma prof. On est 25 dans la grande salle, à se regarder en chien de faïence, a pas comprendre ce qu’on fout là. Ma première impression se fait la malle très rapidement. Y’a des jeunes, des vieux, des minces, des gros, des chauves, des rebeus et un black tout tatoué.

La prof est petite, menue, mignonne, plus jeune que moi. En trois phrases elle s’impose, mélange de charisme et d’autorité, c’est bien, ça me plaît et ça me met en confiance. Clairement pas la perdrix de l’année, elle envoie. Grave.

« Et toi ? Pourquoi t’es là ? »

C’est mon tour de me présenter, j’en mène pas large. La plupart de mes prédécesseurs veulent être acteurs, ou comiques, ils ont des étoiles dans les yeux, moi pas encore. Je raconte ma vie rapidement, quasi trente ans de jeu de rôle (je fais comme si tout le monde savait ce que c’était, personne pose de question), de l’écriture, des bouquins, de l’impro. Moi je veux faire metteur en scène. J’aime bien diriger les gens, créer des scènes, organiser des trucs. Ouais, j’aime bien l’idée. Pas hyper original. Je me projette toujours pas, mais là, devant tous ces gens, j’ose enfin me dépasser et dire un truc qui me plairait. Peut-être. De loin. Faut pas trop rêver quand même.

Puis y’a René. Plus de 70 piges, une patte folle, le regard doux, la gueule du mec qu’a vécu des trucs, qu’est mort dix fois mais qui est toujours là pour en parler. Qu’est-ce que tu fous là René ? Et là le mec c’est un peu ta grand-mère qui te raconte tranquillement la guerre. Le gars envoie du lourd, il a connu des tas de gens, Brel putain, a chanté, a bossé partout, a fini SDF, alcolo, est remonté, a recommencé, et là il vient tenter son rêve. Son dernier rêve. Les plus jeunes sont calmés d’office, c’est beau.

Sans tarder on commence le premier exercice. Marcher dans l’espace. C’est simple en fait, tout le monde marche sur la scène, chaque espace doit être rempli, à chacun de s’organiser pour le faire, sentir quand aller dans un endroit vide, quand ne pas le faire, et surtout sans regarder par terre, vision périphérique seulement. Une simulation de marche dans le métro, les parisiens sont pas dépaysés.

« Maintenant, quand vous le sentez, vous vous arrêtez deux à deux, vous vous regardez dans les yeux cinq secondes, et vous repartez ».

Cinq secondes c’est long. Tu en vois des choses en cinq secondes dans les yeux d’un inconnu. Pour la première fois depuis longtemps j’ai été secoué. Par la puissance d’un regard qui ne fuit pas, par toutes les émotions que tu peux ressentir et transmettre, par cette énergie qui se dégage de chacun, chaque fois différente, un goût et une odeur. Incroyable. C’est précisément à ce moment-là que j’ai été happé.

Il y a eu pas mal d’exercice pendant cette semaine, des jeux aussi. En voici deux exemples.

Dans le jeu du tueur, tout le monde ferme les yeux puis la prof choisit entre un et trois tueurs (pour une classe de 25) et leur touche la main discrètement pour leur signifier leur nouveau statut. Ensuite on ouvre les yeux, puis on marche dans l’espace comme d’habitude. On se regarde dans les yeux, parfois on regarde ailleurs mais surtout on reste concentré. Lorsqu’un tueur le souhaite, il fait un clin d’œil à quelqu’un qui le regarde. L’idée c’est d’envoyer le signal de manière franche pour la cible s’en rende compte mais pas les autres autours. Moins simple qu’il n’y parait. La cible doit alors attendre quelques secondes puis jouer sa mort de la manière la plus spectaculaire possible, avec force râles, chancellement et autres cris ou dernières paroles. Si quelqu’un a vu ou pense avoir vu quelque chose il peut dénoncer le tueur. Dans ce cas, si cette grosse balance avait raison, le tueur meurt de la même manière, et si elle a balancé une connerie, c’est elle qui meurt.

C’est simple, rapide et super fun. Ça permet de s’entrainer à observer, à se concentrer et à envoyer des signaux rapides et francs.

On a aussi joué au I-A-O. Tout le monde en cercle, une personne démarre en regardant quelqu’un de son choix puis doit crier I en faisant une sorte de mouvement d’épée de bas en haut avec les bras. Comme si on envoyait un ballon quoi. Idem, il faut que ça soit énergique et parfaitement dirigé. La personne qui reçoit, doit lever les bras puis crier A, enfin les personnes à sa gauche et à sa droite doivent effectuer un mouvement des bras comme s’ils tranchaient le receveur tout en criant O. Puis on recommence, celui qui a reçu envoie la balle/l’énergie/la réplique à quelqu’un d’autre. L’idée est d’accélérer et de créer une musique ou un rythme I-A-O le plus longtemps possible. Celui qui se plante, dans ce qu’il crie, dans son mouvement, s’il y a une confusion quelconque, la personne est éliminée, puis le jeu reprend avec de moins en moins de monde. Evidemment à trois ça devient très rapide et très difficile. Ce jeu apprend aussi la vitesse, la précision, et la concentration. La moindre seconde d’inattention et on est éliminé. Le jeu étant rapide c’est pas bien grave.

Je dois avouer avoir été plutôt bon dans ces exercices.

On a aussi fait un peu d’impro. On part de phrases que la prof nous glisse dans l’oreille, de positions de corps un peu aléatoires, de marches absurdes, puis on démarre de là. La plupart de ces impros étaient un peu foirée, notamment dans le manque d’écoute. Il y a plein de propositions mais souvent elles ne sont pas écoutées par les autres participants. Comme s’ils n’étaient pas dedans, comme si ce n’était pas sérieux. Ça manquait un peu d’immersion en fait. Bon c’est là que je m’en suis le mieux sorti. Toutes ces années à rebondir sur les idées toutes plus farfelues des joueurs les plus aguerris m’ont beaucoup aidé.

Je me retrouve avec Noah, un excellent partenaire, rapide, percutant et aux références similaires. En un coup d’œil et trois mots, on sait ce qu’on doit faire, où on va et pourquoi. La connexion se crée tout de suite, le reste se déroule comme dans un film. On part sur un braquage et on enchaîne les scènes sans temps morts, préparation, récupération des armes, voyage en bagnole jusqu’à la banque avec scène de discussion pour expliquer pourquoi on fait ça, braquage, ça gueule, on choppe le public, on le transforme en otage, on tourne, on court, c’est un tourbillon. Puis l’arrivée des flics, le sacrifice d’un braqueur pour aider son pote à sauver sa fille malade, puis l’autre braqueur revient et se fait abattre à son tour. Histoire tragique, tendue, et une famille brisée.

Putain c’était beau !

J’ouvre les yeux, je sors de mon immersion, je vois les regards des gens, les sourires, les compliments, et là je me dis : « c’est vraiment mon truc. »

Attends je re. part4

Disclaimer : Je reçois pas mal de message pour me demander si tout va bien, d’amis ou de presque inconnus qui ont l’air de trouver ces textes tristes et qui se font du souci. Merci, c’est très gentil de votre part mais sachez que j’écris avec beaucoup de recul, que c’est quand même légèrement romancé, notamment la chronologie n’est pas forcément exacte je m’essaie à un style particulier et que l’idée est de partager une expérience avec mes lecteurs, ni plus ni moins.


site-de-rencontreC’est pas vrai que j’ai arrêté facebook et twitter, j’ai juste réduit. Je mens, je me mens. A cette époque je rencontre un mec qui arrive sur Paris, un rôliste. On fait quelques parties ensemble, on accroche bien, un mec super, entouré d’amis. J’ai besoin de ça, de changer de joueurs, de changer d’amis, de voir du monde. On enchaine les soirées, on boit, beaucoup, on rigole, beaucoup aussi. Ses potes sont géniaux, toujours à se marrer, à ne rien prendre au sérieux. Ça parle de jeu bien sûr, mais aussi de la bière (un nouvel univers qui s’est ouvert à moi), des meufs (ça gravite, ça s’échange, ça s’amuse, ça tinderise), et de la vie.

Ça dure quoi ? Un an ? En un an j’ai plus appris et je me suis plus amusé que lors des dix dernières années. C’est ça qui me faut, de l’alcool, des potes et des rencontres. Je découvre les sites de rencontres, Tinder d’abord et OKCupid ensuite. Je suis très mauvais à ce jeu. J’ai peur, je ne sais pas lancer une conversation, j’ai peur de rencontrer des gens dans un environnement que je ne maitrise pas, sans le confort de la soirée et des autres potes au cas où tu n’aurais rien à dire.

« Prends ça comme un jeu ! »

J’y arrive pas. Derrière y’a des vrais gens, de vraies filles. Je ne sais pas ce qu’elles cherchent, sur le net comme dans la vie, je ne sais pas reconnaitre les signaux, rien n’est clair. Quand je pense qu’il y a moyen, je me prends un mur, un râteau, un non ferme, sympa, mais définitif. Alors je n’y vais pas, plus, alors je parle beaucoup pour cacher ma timidité. On me trouve gentil, marrant, mais c’est tout.

Sur OkCupid je m’amuse un peu. Y’a des quizz, des tas de questions pour connaitre ta personnalité, et puis si la personne en face répond de manière similaire tu vois sa tête, son profil et un pourcentage de match. Je tombe sur une fille qui matche à 99%, j’aime bien ses photos et ce qu’elle raconte, elle a les pieds sur terre, engagée, et aux mêmes centres d’intérêt que moi. Allez, putain, j’y vais. Plutôt qu’un bête « salut » que les nanas doivent recevoir cinq cents fois par jour, j’écris un vrai message, je m’appuie sur son profil, sur le mien, un peu d’humour, et puis j’appuie sur Envoi. Et j’attends. Pas longtemps.

« Ah oui tiens, et au fait, va crever !»

Ouais c’est sûr, j’avais pas fait gaffe. Dans son profil, dans un coin, il y’avait écrit : « Ne pas me contacter ». Probablement que j’étais passé dessus sans percuter, tout à ma concentration, à tenter de dépasser ma peur. En attendant sa réponse fut tout aussi longue que mon message mais radicalement différente. Une volée de bois vert dont la violence trouvait son climax dans cette simple phrase, va crever. Tu parles d’une expérience.

Sur Tinder, je ne contacte personne, jamais. Trop peur qu’il ne se passe rien, pas de réponse, mon message noyé dans un océan d’autres messages de mecs tous plus cons les uns que les autres. C’est ça les sites de rencontre en fait. Côté filles c’est un carnage, une avalanche de mecs en chiens, de tordus de toutes sortes, de manque de respect total. Et puis l’une d’entre elle me contacte. Je suis fatigué, j’enchaine les banalités. Je finis par lui donner rendez-vous dans un bar à bière que j’aime bien. Elle ne ressemble pas à la photo, personne ne ressemble à sa photo. C’est ma première rencontre internet de toute ma vie. Je ne sais pas faire. Je sais pas détourner une conversation, sexualiser, je ne sais même pas ce que je veux en fait. Je m’aperçois que je suis là, mais je ne me projette pas. Comme d’habitude ma tête tourne à fond de train, explorer dix mille possibilités, autant de scénarios. Aucun ne me convient, aucun ne m’amuse. Alors je parle, de tout et n’importe quoi. Je fais que parler, parler, parler. Je m’arrête uniquement lorsqu’elle va fumer. Je ne me rends même pas compte que je parle autant. Je suis tellement à l’ouest que je suis même plus capable de lire son regard, de comprendre que je l’emmerde. Elle est gentille. On finit par se dire au revoir comme ça là, près de sa voiture. Puis plus rien.

Une autre me contacte. Idem, je me dis que ça va aller mieux. Elle ne ressemble pas à sa photo non plus. Je lui dit que j’aime les brasseries, elle a l’air super contente et accepte de me rejoindre. Chouette une buveuse de bière. J’avais mal compris. Elle boit pas de bière, elle trouve que ça sent le vomi. D’ailleurs je parle trop, heureusement que je ne me drogue pas me dit-elle, qu’est-ce que ce serait sinon. Elle n’est pas bien maligne pour une infirmière. Je passe trente minutes à lui expliquer que les œufs du supermarché, si on les laisse longtemps, ben ça fait pas des poussins. « Soirée sympa mais ça va pas le faire, qu’elle me texte le lendemain. Ok je lui réponds. »

Là ce n’était pas de ma faute.

Je laisse tomber les rencontres sur Internet. Je n’y comprends rien. Mes copines me racontent toutes des trucs absurdes, des rencontres improbables, un défilé de tarés, et dans ma tête je hurle « mais je ne suis pas comme ça, moi, je suis gentil moi ! », mais je dis rien, j’acquiesce à chacune de leurs histoires. Tant pis.

Les vacances scolaires se passent, lentement. Je suis seul. Je m’emmerde. Je surfe sur le net à la recherche d’un truc à faire, d’une activité qui pourrait m’amuser en septembre. J’ai réduit le jeu de rôle, ouais quasiment abandonné en fait, mais peut-être que cette compétence pourrait me servir après tout. Trente ans à imaginer des histoires, ça doit bien pouvoir se recaser. Il y’a une troupe d’impro à côté de chez moi, les impropothame. Le nom me fait marrer, les gens ont l’air d’amateurs avertis. Les engrenages dans mon cerveau se réenclenchent. Pourquoi juste de l’impro ? Pourquoi pas du théâtre ? Il n’y a pas de vrai cours à côté de chez moi mais il y’en a à Paris.

Theatre« Allo Jerem, je suis sur le site de cours Florent. C’est marrant, y’a un stage d’accès dans quelques jours. T’imagine si je fais du théâtre! »

Le lendemain mon ami me rappelle : « je suis inscrit, et toi ? » MOI ? Mais ! Je ne t’ai pas demandé de t’inscrire ! C’est compliqué les cours ! Puis c’est loin ! Puis ça prend du temps ! Puis comment je fais avec les enfants ! Et le prix ! Foutues barrières encore.

Il est inscrit et commence le stage d’accès. Pendant trois semaines, il me parle de ce qu’il fait là-bas, des exercices, des textes à apprendre. Et moi j’enrage. J’enrage de ne pas avoir le courage de me jeter à l’aventure comme ça, de trop réfléchir. Je retourne sur le site et un nouveau stage d’accès est apparu, intensif, une semaine complète en immersion et ça commence dans trois jours. C’est le signe que j’attendais, le rattrapage que le cosmos m’offre.

Trois minutes et deux clics plus tard, je suis inscrit.

Attends je re. part3

home-designMalgré mes dénégations, je ne peux que me rendre à l’évidence. Acculé, je dois partir, vite. C’est le coup de pied au cul que j’attendais, le signal de la transformation. J’étais passé par toutes les étapes du deuil. Je n’avais plus qu’à accepter et reconstruire.

Je prends un grand appartement non loin de manière à assurer à mes enfants de pouvoir passer aisément d’un foyer à un autre (parait que c’est un de truc de riche ça… Probablement) puis je commence le grand nettoyage.

Nettoyage social d’abord. Virer les toxiques, les gens qui me pourrissent la vie, qui ne me rendent pas ce que je leur donne (figurativement ?). Trop d’énergie dépensée pour peu de retour, peu de joie. L’amitié ne devrait pas être un troc, on n’attend pas un retour sur investissement. Et pourtant. Pourquoi passer autant de temps pour les autres ? Lire des bouquins, écrire des histoires, imaginer des scènes, ingurgiter des règles de jeu pour simplifier la partie. D’un plaisir solitaire puis partagé, le jeu de rôle était devenu une contrainte. Le moindre faux pas était sanctionné, analysé, puis renvoyé comme une critique. La motivation n’y est plus, j’abandonne, je ne joue plus, ça ne m’amuse plus.

Faire le tri dans ses amis, froidement. Lui, ok. Elle non. Lui surtout pas. Elle, allez je la garde. Regarder sa collection et décider des gens à voir et à ne plus voir. Puis tout jeter en bloc. S’apercevoir que personne ne sortira de son confort pour toi, pour t’aider, pour t’accompagner dans tes problèmes, pour t’aimer en fait. C’est pas grave on verra plus tard.

Et puis il y a l’autre côté, l’écriture, les projets qui n’avancent pas, les trucs coincés chez l’éditeur, les relectures pour les potes, tout ultra-urgent, à faire pour hier, mais finalement non, on a le temps, puis d’un coup c’est de nouveau ultra-urgent. C’est une gestion par à-coups extrêmement destructurante et génératrice de stress. Et puis il y a les projets sortis par les autres, ceux qui ont pris ce métier à bras le corps, ceux qui produisent en une journée ce que tu mets un mois à écrire. J’aime voir ce qu’ils font, toutes ces nouveautés, et j’y participe parfois, mais je suis envieux, je me demande comment ils font, et tout à l’air tellement facile pour eux. Ils savent tout faire, écrire, dessiner, mettre en page, négocier des contrats, aller à des salons, créer des communautés. Et moi je sais pas faire ça. J’arrive pas à leur cheville, alors je m’en veux, je me dit que je produits pas assez, que je bosse pas assez. Alors basta, je peux plus suivre, j’arrête aussi. Je termine mes derniers engagements et j’en reprends plus.

« Faut que je fasse du vide »

On m’offre un bouquin, la magie du rangement. La quat’ de couv me parle d’une méthode japonaise pour tout ranger chez soi et se sentir mieux. Evidemment, ranger chez soi c’est ranger sa tête. 200 pages écrits gros dont j’ai retenu deux principes :

  • Jette 80%
  • Range le reste

J’ai jeté ou donné énormément de livres (on ne relit que quelques livres soigneusement sélectionnés), de vêtements (je ne les portais pas), de cds (le numérique les a tués), de vieilles boites (je revends rien de toute façon), des photos et même des meubles. C’est simple, on prend chaque objet en main, et si on ressent quelque chose instantanément alors on le garde sinon on le jette. Et ça marche.

Je commence à apprécier ne rien avoir, ou le moins possible. Chaque objet est une ancre qui te bloque en un lieu et une époque et qui t’empêche d’avancer, de regarder vers le futur. La nostalgie c’est réconfortant mais ça entrave.

Pour le rangement, c’est simple. Il faut faire en sorte que tes objets soient tous visibles. Les vêtements ne sont plus empilés mais mis côte à côte, les livres et cd qui restent idem. Donner à chaque objet qui reste une importance similaire.

Je suis seul au milieu du salon, je compte les meubles sur les doigts de ma main (gauche) et je suis bien.

Etape 1 tout casser, c’est fait.

Etape 2 reconstruire.