Egotrip

Voyage en Ouzbékistan (pt. 4)

Le voyage de Bukhara depuis Khiva a duré 6h, dans un désert de plomb, dans une voiture dont on a appris que la climatisation existait mais que le chauffeur ne voulait pas la mettre pour conserver du carburant. Vu comme il fait sec, la chaleur est supportable. Nous n’avions que très peu dormi cette nuit là, alors nous nous sommes relayé dans le fond de la voiture pour piquer un petit somme tandis que notre nouveau chauffeur nous menait à destination.

C’est chouette les voyages dans le désert. A un moment, nous rattrapons une voiture de police qui suit un convoi sur une route étroite. Impossible de dépasser, c’est l’embouteillage au milieu de rien. Le chauffeur zigzague, cherche une ouverture mais rien pendant une demi-heure. D’un coup ça s’ouvre et nous dépassons un camion remorquant ce qui ressemble à un tuyau ou un piston de 20 mètres de long sur peut-être 6 mètres de diamètre, un monstrueux assemblage sans doute destiné à une usine. Des policiers partout autour, ça sent le secret défense, je ne sors pas mon appareil photo.

Ça ne se voit pas mais devant il y a un immense convoi

La dernière heure est particulièrement compliquée pour le chauffeur qui, en raison du mauvais état de la route, fait de nombreux écarts, roule sur le bas-côté, ralentit, dérape de temps en temps, et nous secoue pas mal.

Bukhara

Lors de notre arrêt déjeuner, dans les faubourgs de Bukhara, nous tombons sur une veille femme qui veut absolument nous lire l’avenir. Couverte de talisman, voilée sous le soleil de plomb, elle se fait vertement rembarrée par le chauffeur.

Bukhara est une ville touristique et moderne. Toujours beaucoup de travaux, surtout d’un côté de la ville. L’hôtel est parfait, des chambres spacieuses et propres, de l’eau chaude et internet, que demande le peuple ? (A part des pastèques je veux dire, mais il y avait un vendeur juste devant)

Nous avons commencé par visiter un parc au milieu duquel se trouve le plus ancien bâtiment connu d’Ouzbékistan (si j’ai bien compris). Lors d’une des multiples invasions qu’à subi le pays, les habitants ont décidé de recouvrir le bâtiment de sable, le cachant ainsi à la vue des ennemis. Tellement bien caché qu’ils ont mis 500 ans à le retrouver.

C’est la seule fois où la chaleur m’a vraiment incommodé. Je sentais mon crâne bouillir, et le coup de soleil arriver sur mon crâne chauve. Heureusement j’ai pu acheter un chapeau horrible à un prix abominablement cher, because touriste.

Dans un autre bâtiment, un puit avait été creusé et on pouvait boire de l’eau dont on vantait les vertus médicinale. Il parait que c’est la seule eau du con qu’on peut boire. Vu l’état de mon ventre à ce moment-là j’ai préféré éviter.

Puis nous avons visité la partie moderne, avec ses bâtiments neufs, et son mémorial aux hommes tombés pendant la seconde guerre mondiale. Sur deux côtés, des tablettes donnent par ordre alphabétique les noms et date de décès. Certains sont morts en 1946. Ça fout pas un peu les boules de mourir à la guerre alors qu’elle est terminée ?

Au centre trône la statue d’une mère attendant le retour de son enfant.

Une rue plus tard, nous arrivons dans une partie plus ancienne.

En passant près d’une fenêtre, notre tombons sur une boulangerie artisanale que nous allons visiter. Le four est dans une petite pièce où se serrent trois hommes travaillant à la chaine, découpant, façonnant et cuisant le pain à toute vitesse. Je n’ai jamais été aussi près des gens qui travaillaient, ils se sont poussés pour que je puisse mieux voir !

Par terre, sur un tapis, les pains cuits finissent de refroidir avant d’être emportés par une femme pour la vente dans la rue tandis qu’à l’extérieur un homme musculeux fabrique la pâte dans une baignoire.

Quelques dizaines de mètres plus loin nous réémergeons dans la partie moderne. Des bazars, des boutiques de souvenirs, des ateliers, nous visitons tous ce que nous avons le temps de visiter.

Toujours les façades magnifiques des mosquées, toutes différentes selon les régions, et aux couleurs impossibles à reproduire aujourd’hui.

Dans une des mosquées, Milena a été obligée de porter une magnifique (ahah) jupe bleue longue car elle était trop découverte.

A Bukhara il y a aussi une forteresse gigantesque avec de hautes murailles.

Visite plutôt peu intéressante. Il ne reste rien. Tout a été transformé en musée ou en boutique de souvenir. Bon, sinon, considérez qu’il n’y a pas de toilettes, c’est mieux.

Dans l’une des cours intérieure, celle où le roi donnait audience, se trouve un mur juste devant l’entrée. Ce mur servait à ce que les pégus du coin ne tourne pas le dos à sa Seigneurie en repartant ce qui était une grave offense passible de plein de trucs pas cool, genre la mort. Résultat on a mis un mur, comme ça le gars recule, se prend le mur dans le dos, longe comme un con, et peut enfin se tailler sans risquer sa peau.

A la fin de la visite de Bukhara, nous sommes allés manger dans un excellent restaurant sur la place principale. Il y avait une statue de Nasreddin Khodja, un des héros du coin. Comique, sage, imam, arbitre, c’est le roublard du patelin, celui qui ose et qui dit. Il y a des centaines d’histoire le mettant en scène. Il est toujours monté sur son âne.

Nasreddin Khodja

Quelques heures plus tard, nous repartons pour la dernière étape du voyage, Samarcande !

Voyage en Ouzbékistan (pt. 3)

Khiva

Nous partons directement depuis Nukus, en voiture avec notre chauffeur, pour Khiva. Le voyage dure plusieurs heures, dans le désert, sur des routes pas trop mal entretenues. De manière amusante, on voit parfois des choses étranges dans le désert. J’ai déjà parlé de l’abribus/autel de prière, mais il y en a bien d’autres. Parfois une usine complètement abandonnée au milieu de nulle part. D’autres fois un mini-village avec un tourbillon de sable miniature qui ne semble pas gêner les enfants. Un troupeau de moutons le long de la route, surgie d’on-ne-sait-où, ou un vendeur de pastèque, seul avec rien à l’horizon.

Un tourbillon de sable
Pas de berger ou de chien à proximité

Nous arrivons en fin d’après-midi. L’hôtel dispose d’un grand hall, peu éclairé (mais c’est une habitude j’ai l’impression). Comme à chaque fois, nous donnons nos passeports pour l’enregistrement des touristes, puis nous nous rendons dans nos chambres. L’hôtel a été refait mais c’est pas encore ça. C’est ça de prendre des chambres économiques.

Peu importe, le temps de se laver, à l’eau froide, nous ressortons pour visiter la ville, sans guide pour la soirée.

Khiva, en tout cas le centre derrière les remparts, est une ville très touristique. Un musée à ciel ouvert, conservé en l’état par l’UNESCO qui finance une grosse partie des rénovations, mais pas seulement eux. Nous sommes passé à côté d’un chantier financé par la Chine par exemple. Il y pas mal de travaux un peu partout, notamment dans les parties périphériques de la ville. Les remparts ont été refaits, ainsi que la plupart des habitations, tout en conservant l’architecture d’origine.

Quatre portes percent les remparts. L’une d’entre elle donne sur le coin vraiment touristique, avec des boutiques de souvenirs, des musées, des restaurants et bien d’autres choses.

Lorsque nous sommes arrivés il faisait extrêmement chaud et nous sommes passés, sans le savoir par le coin justement le moins touristique. Aucun restaurant visible, à part un, dont la terrasse semblait particulièrement attirante. Malheureusement, ce fût notre deuxième véritable déception. Prix très élevé, nourriture indigente et indigeste, absolument pas ce à quoi le pays m’avait habitué. Milena, outrée, a été exprimer son mécontentement à l’équipe qui a avoué très clairement que nous étions dans un restaurant pour touriste et que donc nous devions payer le prix fort. Mon amie a pu négocier une réduction de prix mais clairement nous n’avons plus jamais remis les pieds la-bas.

N’y allez pas !

Par contre, le reste était fabuleux. Un autre restaurant notamment était très bien, très bonne nourriture et prix très raisonnable. Nous y sommes retournés souvent, et nous nous sommes faits un ami du serveur, Sardor, particulièrement souriant et serviable. Très content de voir des étrangers et une demi-ouzbek, il a été très gentil pendant les deux jours.

L’après-midi nous avons simplement visité la ville tranquillement sans pression.

Le soir, certains monuments s’allument.

Mon meilleur moment a été de monter sur les remparts, la nuit, et d’observer les étoiles. Un instant fugace mais magnifique.

Le lendemain, visite de la ville dès le matin avec notre guide francophone. Très sympathique, elle nous a fait visiter une demi-douzaine de musées différents ainsi que plusieurs mosquées et madrasas.

La route de la soie !

Je ne vais pas détailler tout, mais c’était très inspirant, avec beaucoup de charme.

Ici, une mosquée restaurée avec l’aide de plusieurs pays et organisations, chacun offrant un nouveau pilier de bois sculpté.

Là un musée avec objets anciens, islamiques, dans une madrasa.

Ou encore un harem. Le roi avait droit officiellement à quatre femmes dont une seule choisie par lui. L’une était choisie par sa famille, et une autre par ses amis, et la dernière je ne m’en souviens plus. Les femmes habitaient d’un côté de la maison, et le harem était de l’autre.

Un passage secret avait été aménagé pour que le roi puisse aller voir l’une ou l’autre de ses femmes sans que les autres ne le sachent, et ainsi éviter les jalousies. Le harem était constitué des filles des villages alentours, et lorsque certaines devenaient plus âgées, elles prenaient en charge le recrutement des nouvelles. Je suis absolument certain que Netflix devrait faire une série sur ce sujet. Trahison, meurtre, sexe, il y a tout ce qu’il faut.

Un chouette minaret aussi, le minaret de la mort. Du haut de cette tour, on jetait dans le vide les condamnés.

Rien à compenser ?

Une reconstitution d’un atelier de fabrication de monnaie. Ici, contrairement à la tradition, ils avaient une barbe très courte, ou parfois pas de barbe du tout, car on pouvait y cacher des matières précieuses.

On fabriquait aussi des billets sur du tissu ou du papier de soie.

Il y avait trop de choses pour que je mettes tout, donc je vais terminer Khiva avec quelques photos sans rapport. La première d’une guerrière qui m’a tout l’air d’être la Wonder Woman de l’époque. J’aime bien. J’avoue.

Et les toits de la ville, vus depuis le plus haut mirador (mais on a pas eu droit au dernier étage pour cause de travaux).

Après ces deux jours intenses, nous repartons, direction Bukhara !

Cet article est dédié à notre ami Sardor 🙂

Voyage en Ouzbékistan (pt. 2)

Thetourist

Avant que j’arrive sur place, Milena et sa mère avaient fait les démarches pour nous faire faire un grand tour du pays en mode touriste, avec visite des principales villes et monuments, avec des guides francophones et des chauffeurs.

Thetourist est l’office de voyage que nous avons sollicité pour cela. Les bureaux sont à Tachkent. C’est joli, climatisé et Soroya, la commerciale très sympathique et professionnelle.

Il a été prévu un voyage de 6 jours, départ en avion pour Nukus, puis Moynaq, Mer/Désert d’Aral, Khiva, Bukhara, Samarcande puis retour à Tachkent en Afrosyab, le train à grande vitesse local.

Le tarif négocié était aux alentours de 600 dollars par personne, ce qui est plutôt cher dans l’absolu, mais avec les chauffeurs et les hôtels ça se tient.

C’est d’ailleurs un des points qui m’a étonné, les hôtels choisis étaient d’une qualité plutôt basse, et globalement assez chers. De fait, seuls les touristes se payent ce genre de nuits et uniquement parce qu’ils le souhaitent.

Dans les faits, les Ouzbeks sont extrêmement accueillants et se feront une obligation de vous nourrir et de vous loger gratuitement. Culturellement, il est impossible pour eux de laisser quelqu’un dehors. De fait, de tout le voyage, je n’ai vu qu’une seule fois quelqu’un demander de l’argent dans la rue, et une autre fois, une voyante un peu bizarre pas forcément bien dans ses baskets.

Pour l’anecdote, dans l’avion qui m’amenait à Tachkent, un homme et sa femme m’ont abordé en anglais alors que je lisais un guide de l’Ouzbékistan pour m’informer. Il s’agissait de deux Ouzbeks absolument adorables qui m’ont parlé en détail du pays, de ce que je devrais faire, voir et manger, et m’ont proposé de m’héberger et de me guider tout le temps où je serais là. Je n’ai jamais vu ça ailleurs.

Nukus

Après une heure d’avion, nous arrivons à Nukus, la capitale du Karalkapakstan, une république autonome au sein même de l’Ouzbékistan.

Sur les photos ça à l’air verdoyant mais en fait ce n’est pas le cas, c’est entouré de désert et la température lorsque nous y étions tournait autour de 50 degrés, ce qui commun pour le mois d’Août. C’est évident important mais c’est très supportable vu le taux d’humidité très bas. J’ai eu moins de problème qu’en France quand il fait 28.

La chambre d’hôtel était plutôt petite mais confortable si l’on excepte le bureau sous lequel était placé le mini-frigo le rendant donc quasi-inutilisable, ce qui était problématique vu que j’avais du boulot à faire sur mon ordinateur.

Contrairement à ce qui avait été annoncé, l’hôtel ne faisait pas de diner. Nous sommes donc sortis pour trouver des restaurants.

Malheureusement, Nukus n’est pas une ville touristique et les gens ne sont pas les mêmes non plus. L’accueil est beaucoup plus froid et distants. Il n’y a pas de femmes dans les rues et les étrangers sont regardés avec méfiance et distance. Résultat, on a juste mangé des chips avant de dormir. Un soir de jeûne ne pouvait de toute façon pas faire de mal, vu ce que j’avais ingurgité les jours précédents. Qu’importe, Nukus n’est que le point de départ pour aller voir la mer d’Aral.

Nécropole

Le lendemain matin, nous partons pour Moynaq, une ville à trois heures de route, au bord de l’ancienne mer d’Aral. Sur le chemin, nous faisons halte pour visiter un cimetière gigantesque, une nécropole s’étendant sur des centaines de mètres.

Avant que le pays ne soit musulman, les habitants pratiquaient le Zoroastrisme, une religion respectant les quatre éléments primaires et en particulier le feu. Son prophète est Zarathroustra. On retrouvera des éléments de cette religion un peu partout dans le pays.

Pour respecter la terre, les défunts n’étaient pas enterrés, ou pas au sens conventionnel, ils étaient posés sur le sol, puis recouvert, puis on posait un cadre de bois sur l’ensemble. Une pierre tombale étaient souvent posée et gravée avec des éléments de la vie du défunt.

Il y a des empilements de pierre un peu partout. On dit que lorsque le dernier empilements sera tombé, le monde parviendra à sa fin. Pour éviter cela, j’ai construits un nouvel empilements, de sept pierres au minimum. Le guide nous a dit que j’étais le premier touriste à faire ça. Ça lui a fait plaisir manifestement.

Nous avons visité deux tombeaux. Le premier est plutôt surprenant. Une simple entrée qui ne payait pas de mine, menait à un immense tombeau en sous-sol.

Il y avait une légende autour de ce tombeau. Un jeune architecte qui construisait ce bâtiment était tombé amoureux de la princesse qui lui aurait demandé, pour prouver son amour, de se jeter dans le vide. Ce qu’il a fait. Et il est mort. Déjà à l’époque, les mecs étaient pas bien malins, mais j’ai peut-être raté une partie de l’histoire.

Le deuxième tombeau est celui d’un homme qui avait sept filles. Pour lui rendre hommages, chacune a tenu à faire construire une arche et une coupole au dessus de son cercueil. Le tombeau fait donc 27 mètres.

La route pour Moynaq est longue et peu entretenue. Le chauffeur nous apprend qu’a chaque fois qu’on se prend un nid de poule ou qu’on décolle on appelle ça : faire voler la tortue. Clairement on a beaucoup fait voler la tortue. C’est là qu’on voit l’intérêt du chauffeur, quelqu’un d’habitué et d’efficace.

A un moment, sur le bord de la route est apparu une sorte d’abribus, au milieu de nulle part. Notre chauffeur s’est arrêté, a glissé un billet dans une sorte de tronc d’église et à prié quelques instants là, pour sa fille nous as-t-il dit. C’était surprenant et beau à la fois.

Moynaq

C’est une ville en plein désert, avec rien autour, complètement cassée et pleine de vestige du temps de l’URSS. Il reste des habitants, des batiments et même quelques commerces, mais j’ai vraiment eu l’impression de visiter une ville post-apocalyptique.

Nous avons rapidement visité un musée, allumé et ouvert juste pour nous. C’est aussi à cette occasion que nous avons constaté que les étrangers étaient regardés avec méfiance. A peine somme nous entrés que quatre policiers et deux militaires firent irruption dans la salle, en faisant semblant de regarder les pièces exposées. Ils n’ont rien dit, mais nous avons bien senti la surveillance appuyées.

Moynaq disposait d’une conserverie destinée à travailler le poisson résultant de la pêche dans la mer d’Aral. Lorsque cette dernière commença à s’assécher, ils importèrent du poisson congelé de Russie pour continuer à faire travailler les gens du coin. Malheureusement cela ne dura pas longtemps, et l’usine ferma.

Après une dizaine de minutes, mal à l’aise nous repartons.

Désert d’Aral

La mer d’Aral n’existe quasiment plus. Les anciens soviétiques, adeptes de la monoculture, ont imposé le coton dans tous le pays. C’est une plante qui demande beaucoup d’eau, et pour cela les cours d’eau alimentant la mer d’Aral ont été détournés pour irriguer les champs de manière intensive.

Aujourd’hui la mer d’Aral existe encore au Kazaksthan qui la maintiennent de manière artificielle. Il ne reste qu’un désert dans lequel quelques bateaux échoués ont été rassemblés pour en évoquer le souvenir.

Un restaurant/yourte construit dans l’ancien phare permet aux touristes de venir voir ce désastre écologique incroyable. Se tenir face en hauteur, face à ce désert plein de produits chimiques est bouleversant. Pour un fan d’exploration de lieux abandonnés et de post-apocalypse comme moi, c’est particulièrement touchant.

Nous retournons à Nukus pour y visiter le seul point d’intérêt du coin, le musée Savitsky

Construit sur deux bâtiment et plusieurs étages, l’entrée est relativement peu chère pour des touristes (4€ dans mes souvenirs). Il y a peu de monde, même si nous avons quand même croisé quelques touristes français. C’est grand, bien agencé et il y a beaucoup de pièces à voir.

J’ai été particulièrement touché par les sculptures, ainsi que tout ce qui touche à l’Asie centrale ancienne. Les costumes, les peintures etc.

Il y a toute une partie occidentale, avec des statuts grecques, des peintures françaises et bien d’autres. J’avoue que dans mon chauvinisme j’ai été content de voir ces œuvres magnifiques mais il n’y a pas besoin de faire 7000km pour ça.

Nous n’avions pas de guide pour ce musée, et je pense que ce fut une erreur. Ici, comme à d’autres moments du voyage, le manque de guide m’a empêché de comprendre ce que je voyais. A l’inverse lorsqu’ils étaient avec nous leur connaissance locale permet de se transporter dans un lieu et une époque que les occidentaux comme moi ne connaissent pas du tout. Prenez des guides !

A la sortie du musée, nous rejoignons notre chauffeur qui nous emmène à notre prochaine destination : Khiva.

Voyage en Ouzbékistan (pt. 1)

Il y a trois ans, alors en première année de cours Florent, je rencontrais Milena, étudiante comme moi. Dans ma grande ignorance, je ne connaissais absolument rien de son pays d’origine, l’Ouzbekistan. Devenue depuis une amie très proche, elle m’a invité à l’accompagner dans sa famille et à me faire découvrir la région. Un peu craintif de partir aussi loin, moi qui ne suis pas coutumier des voyages, dans un endroit, pour moi, aussi reculé, j’ai pu compter sur son enthousiasme pour me décider. Cette série d’article fait le point sur ces quinze jours dans un pays en pleine reconstruction, marqué par l’histoire.


Départ

L’Ouzbékistan est un pays anciennement un peu fermé mais qui s’ouvre de plus en plus. Les conditions de voyage un peu compliqué sont en train de se détendre depuis quelques mois.

La première chose à faire est de demander un visa. D’un coût de 60€ il permet de voyager en touriste pendant un mois. Il faut tout d’abord remplir un formulaire sur le site de l’ambassade, puis l’imprimer avant de se rendre à l’ambassade elle-même pour faire la demande. Moins d’une semaine plus tard, j’avais mon sésame.

Normalement il faut aussi une invitation écrite de la part d’un habitant, ce qui coûte aussi un peu d’argent à la personne sur place. Depuis quelques semaines, ce n’est plus obligatoire !

Je m’y suis pris un peu tard, donc j’ai payé mes billets assez cher, mais il est possible de s’en sortir aux alentours de 800€ aller-retour, sachant que la plupart du temps il y a une escale. Dans mon cas, j’ai passé quelques heures à Moscou avant de rejoindre Tachkent, la capitale ouzbèke.

Départ pour Moscou

Je suis arrivé dans la nuit après 12h de voyage, en comptant l’arrêt en Russie. Milena était déjà sur place depuis quelques jours, et c’est elle et son oncle Nizom qui sont venus me chercher.

Nizom, comme tout le reste de la famille, sera un allié de poids pour ce voyage. Tout le temps passé à Tachkent, il nous aura servi de guide, d’interprète et de négociateur sur les marchés. Ayant travaillé des années pour l’ambassade Américaine, son anglais parfait, nous permet de nous comprendre plus facilement que si Milena avait du faire les traductions entièrement seules.

Tachkent

Tachkent est une ville en pleine construction. Il y a des chantiers partout et d’immenses pans de la ville sont neufs. Le maire a décidé de raser des anciens quartiers pour y construire de nouveaux bâtiments.

La plupart des rues sont larges, il y a des tas de monuments partout, des parcs, des mosquées et pas mal de néons fluorescents. Ça donne un côté un peu clinquant à une capitale plutôt moderne.

Les premiers jours ont été passé à visiter la ville, quelques places, quelques monuments, et surtout le musée mais la ville n’est pas réputée pour le nombre de ses spots à touriste.

L’argent

L’argent est le SUM. Il faut impérativement changer l’argent sur place. Il y a très peu de distributeurs de billets, pas de chèque ni de carte bleue. On paye en espèce pour tout sauf éventuellement les hôtels j’imagine. Parfois ils acceptent les dollars mais c’est rare. Le taux de change est en gros de 10000 SUM pour un Euro.

Le premier jour il a fallu que j’aille retirer l’argent dont j’avais besoin pour le séjour mais la machine a simplement accepté mais sans me donner l’argent. J’avais prévu 600€ pour payer le tour de pays, la nourriture et les cadeaux et j’avais donc peur d’avoir été débité. Heureusement j’étais avec la mère de Milena, qui est partie instantanément en mode scandale dans une banque avec un seul guichet, une réceptionniste et le directeur, vu que tout le reste du bâtiment était en chantier. C’était marrant, mais les pauvres se sont fait engueuler comme j’ai rarement vu. Au final, on a compris que cette banque, Kapitalbank, n’avait pas d’accord avec ma banque française et que l’argent n’avait pas été débité malgré le texte trompeur de la machine.

La nourriture

La nourriture, dans les restaurants, est très peu chère. On mange comme des rois, avec boissons, pains, salades et viande pour 5€ grand max.

Le premier jour j’ai invité Milena, son oncle et sa mère à manger pour les remercier. Nous avons mangé le plat national, le plov (prononcez palow), du riz sauté dont chaque région dit détenir l’unique recette, des salades atchutchu (concombres miniatures et tomates en dés), et bu du thé, appelé  Choï. J’en ai eu pour 11€, pour quatre, dans un restaurant de bonne qualité.

Je suis végétarien, et c’est parfois un peu compliqué à expliquer, ce n’est pas du tout la mentalité du pays. Cela dit, avec des salades et du riz on s’en sort sans problème.

L’eau est normalement potable à la capitale mais par sécurité nous n’avons bu que de l’eau minérale ou du choï dont l’eau a été bouillie.

La nourriture est de très bonne qualité (sauf deux fois). A part le plov et les salades, on mange un excellent pain, le « non », qu’on peut acheter partout, dans la rue ou sur les marchés. On trouve aussi beaucoup de somsas, des pains fourrés à la viande ou à ce qu’on veut.

Pour les fruits, il y avait des melons et pastèques en quantité et en qualité, d’excellents raisins de différentes sortes et des figues prises directement sur l’arbre dans le jardin, un délice sucré.

Je n’ai été malade qu’une seule fois, vers le début du séjour, probablement un somsa au potiron qui avait du être mal décongelé vu que ce n’était pas la saison.

Je dois aussi parler du fait que la famille a dû croire que je ne mangeais pas à ma faim à Paris vu les quantités absurdes de nourriture qu’ils m’ont fait avaler. Je me souviens d’un repas en particulier, chez des cousins, où après avoir extrêmement bien mangé, je pensais être tranquillement en train de finir le dessert lorsque Milena s’est penchée vers moi, affolée, pour me dire que c’était juste l’entrée et que le plat principal arrivait. Impossible de dire non pour ne pas vexer et obligation de finir son assiette pour ne pas gâcher ce qui est extrêmement mal vu.

Enfin, malgré le fait qu’il s’agisse d’un pays musulman, il est possible de boire de l’alcool sans problème. J’ai bu un vin local plutôt bon, sinon c’était bière et vodka, très peu chers. La pinte était entre 60 cents et 1,5€ et la vodka autour de 3€ la bouteille.

Les déplacements

Le plupart du temps, à Tashkent, nous étions avec Nizom et sa voiture. Je ne crois pas qu’il soit possible de louer une voiture ou de conduire en tant qu’étranger. Pour le tour du pays nous avions des chauffeurs mais sinon, on peut utiliser des taxis.

En fait, tout le monde fait le taxi, il suffit de se mettre en bord de route et de baisser le bras pour que des voitures ralentissent et demandent où vous voulez aller. Il faut négocier un peu, mais on peut se rendre n’importe où pour 1 ou 2€.

Le métro de la capitale a été entièrement refait, chaque station est décorée différemment. Il y a quatre lignes. C’est confortable comme un métro, plutôt rapide, mais surtout très peu cher (pour des occidentaux hein), 12 cents le jeton.

A voir à Tashkent

L’église orthodoxe

Le pays est musulman, mais modéré et accepte toutes les religions et communautés. De la Russie il reste encore pas mal de vestiges, notamment une église orthodoxe récemment restaurée.

Complètement par hasard, nous sommes tombés sur un mariage orthodoxe que nous avons pu regarder pendant quelques minutes. C’était très beau, avec peu d’invités mais pas mal de cérémonial. Par respect nous n’avons pas pris de photos.

Madrasa

Une madrasa convertie en école d’artisan

Les madrasas sont des écoles coraniques. Les étudiants venaient y apprendre le coran bien sûr mais aussi les lettres, les mathématiques, l’astronomie et bien d’autre matières. Payantes, elle étaient réservés à une certaine élite, masculine.

La plupart du temps, le rez-de-chaussée et la cour sont réservés à l’étude, et les cellules à l’étage au logement.

La plupart ont été converties, en ateliers d’artiste ou d’artisan, en boutiques de souvenir, en musées ou en hôtels.

Celle visitée à Tashkent montrait des artisans au travail qui vendaient leur production directement dans leurs ateliers. Tout est fait main bien sûr, c’est souvent magnifique et extrêmement détaillé, mais j’ai tendance à penser que tout se ressemble un peu.

Les bazars

Passage obligé, c’est au bazar que les Ouzbeks font leurs courses. Comme un gros touriste, je me suis attardé sur les épices, les fruits et autres fruits secs exotiques.

Ici, on se fait alpaguer par les vendeurs constamment. Tous le monde nous fait gouter les produits. Tu peux toucher à tout et manger à ta faim sans quitter le marché. Par contre, il arrive que les produits sur les étals ne soient pas ceux de la meilleure qualité et il faut parfois négocier ou être un bon client, ou avec un local, pour obtenir les bons produits et les bons prix.

D’ailleurs les prix ne sont presque jamais affichés. Il faut demander systématiquement, et négocier à chaque fois.

La tour de télévision

C’est une grande tour situé non loin du quartier où j’habitais et que j’avais très envie de visiter. On peut y manger dans un restaurant qui tourne avec des baies vitrées pour voir toute la ville de nuit. J’avais particulièrement hâte vu, heu, mon fétichisme pour les villes de nuit…

Grosse grosse déception…

Déjà l’entrée est chère. Puis il faut montrer patte blanche : être accompagné, laisser ses affaires, donner son passeport, être fouillé etc. Bon rien que de très normal pour la sécurité mais un peu stressant quand même.

Ensuite on monte pas bien haut, disons la moitié de la tour. La vue y est jolie en effet mais pas particulièrement prenante. A l’intérieur de la tour, la lumière est très faible, il n’y presque personne, c’est une ambiance un peu bizarre. Il y a des modèles réduits de quelques tours dans monde, mais pas la tour Eiffel.

Ensuite le restaurant est une catastrophe. Trop sombre, lumière bleue très sale, ambiance sous-marine complètement décalée, serveurs désagréables, nourriture chère et sans goût. Je savais qu’il ne fallait pas prendre de la nourriture occidentale en Ouzbékistan, mais pour rater des pâtes à l’eau il faut le faire. Nous étions six et tout le monde a été déçu. C’est pas grave, la balade nocturne qui a suivi était superbe en comparaison.

Départ

C’est après ces quelques jours de visite que nous sommes partis, à deux seulement cette fois, faire le tour du pays.

Cours Florent – Première échéance part1

cours-florent-inscription-2015« Hmmm, j’ai bien une classe mais le plus vieux a 29 ans, ça vous gêne ? »

Quelques jours après le stage d’accès je me retrouve au secrétariat pour me trouver une classe. L’assistante me regarde, prend un air embêté et m’annonce ce que je sais déjà, je suis plus vieux que tout le monde, et pas qu’un peu. Mais c’est pas grave, je lui dit en rigolant que c’est plutôt eux qui allait être gênés, ahah. Hem.

Elle rigole, un peu, en validant mes horaires de cours : Lundi, Mardi et Jeudi de 19h30 à 20h30.
Pour les gens qui ont fait le stage d’accès comme moi, le premier cours est début Octobre, un mois après la rentrée officielle. On est trois à débarquer un peu à l’improviste, une fille super sympa un peu fofolle, un gars qui était avec moi en stage d’accès (ma bouée de sauvetage) et moi.

Le premier contact avec les autres est un peu difficile au départ, après tout ils ont eu un mois pour se trouver, pour créer des liens. Je repère les regards intéressés, ceux qui s’en foutent (la plupart) et ceux qui m’aiment pas d’entrée de jeu. Ça parait bizarre dit comme çà, mais j’ai le sens de l’observation pour ces choses-là et suffisamment de psychologie pour piger rapidement les rapports sociaux. Je ne sais pas s’il s’agit d’une prophétie auto-réalisatrice, ou d’une incapacité à changer d’avis après une première impression, mais je me trompe rarement.
Tant pis, je ferai avec que je me dis, mais je mens, je veux plaire à tout le monde, et je commence déjà à me mettre en mode séduction.

Le prof est plus jeune que moi, je le tutoie d’entrée de jeu, par habitude. Il n’émet pas d’objection et nous présente rapidement au reste du groupe avant de nous expliquer ce qu’on va faire.
Le cours est divisé en deux parties de durées inégales et aléatoires. D’abord des exercices, puis le travail sur des scènes en cours.

Les exercices sont similaires à ce que nous avions déjà fait en stage d’accès mais on en ajoute d’autres, notamment des exercices de relaxation.
L’un d’entre consiste à s’allonger sur le sol, les yeux fermés et à laisser son esprit parcourir son corps. On commence par exemple par une main, on imagine suivre son contour, tourner autour du poignet, remonter le long du bras, puis de l’épaule, le cou, la tête, puis l’autre bras, le torse, le bassin, les jambes, très lentement, en laissant tous les tracas et les interrogations de la journée disparaître, pour être le plus présent possible, le plus près possible de soi, et ne penser qu’à l’instant.
Ne penser qu’à l’instant présent, la chose la plus difficile que je puisse faire à ce moment. Mon esprit errant constamment entre dix mille choses sans importance, incapable de se concentrer plus d’une fraction de seconde. Mais je fais des efforts, j’apprends, je me détends, un peu.

Un autre exercice consiste à travailler l’adresse, comme lorsqu’on s’adresse à quelqu’un. Lorsqu’on parle normalement à quelqu’un, cette personne sait souvent qu’on s’adresse à elle. Soit parce qu’on lui parle en face, mais ça fonctionne aussi lorsqu’on est de dos par exemple. Dans cet exercice, on se met par deux puis l’un des partenaires ferme les yeux et marche dans l’espace sans savoir où il va, uniquement guidé par la voix de l’autre partenaire. Comme tout le groupe le fait en même temps, le volume sonore commence à monter et rapidement plus personne ne s’entend. C’est là que ça devient vraiment intéressant, parce que le professeur nous demande à tous de baisser la voix, de murmurer, ou de chuchoter. Charge à celui qui est guidé de faire le tri dans sa tête entre les différentes voix pour marcher sans percuter ses voisins.
Et le plus fort c’est que ça marche très bien, c’est très impressionnant de se rendre compte qu’un murmure au milieu d’un brouhaha peut parfaitement être entendu si la cible se concentre suffisamment. On peut aussi y ajouter une difficulté, en demandant à celui qui guide de se déplacer aussi. Et malgré cela la cible comprend les ordres et se laisse guider.

Après les exercices, on travaille des scènes.
L’année est divisée en échéance, des examens où nous devons passer, seuls ou en groupe, devant notre professeur mais aussi un autre professeur ou même un directeur, pour juger du travail accompli. Pour cette première échéance nous travaillons sur une pièce appelée Elvire Jouvet 40, un cours de théâtre que Louis Jouvet donna en 1940 à un groupe de comédien devant jouer Dom Juan. Il s’adresse à la comédienne qui doit jouer Elvire et la conseille. D’un véritable cours au départ, il a été produit une pièce. Du théâtre sur du théâtre en sorte.
Y’à un côté méta qui me plaît bien.

« T’es mort pour moi ! »

Nous devons aussi choisir une scène moteur, ou scène source, quelque chose qui nous représente, qui parle un peu de nous, un truc personnel.
Je repense aux quelques mois qui précèdent, à mon état d’esprit du moment, à ma frustration et je décide de ressortir un texte que j’avais écrit dans le métro, en rentrant chez moi après un soir de beuverie chez des amis, un truc de rageux, sale, misogyne, probablement un truc d’ado mal dans sa peau mais aussi un cri du cœur qui passerait bien sur scène.
J’en parle un peu autour de moi, trop violent, personnage malsain. J’entends les remarques et décide de le réécrire pour l’alléger, ajouter un contrepoint au discours original. Ça passe mieux mais c’est pas encore tout à fait çà. Mais je m’en fous, c’est mon texte et le changer encore serait trahir encore plus l’intention initiale, alors je prends cette mouture et je la lis devant la classe, le cœur battant, et la flippe dans les tripes.

Conseil d’ami

Cours Florent – Stage d’accès part2

Travail de scèneTrès rapidement après les premiers exercices, la prof nous distribue des rôles. Pas vraiment au pif pour le coup, elle a utilisé ces premiers contacts pour nous donner quelques choses qui nous correspond, ou dans lequel elle aimerait nous voir. On va jouer du Pommerat, un auteur contemporain à l’écriture un peu particulière mais pas trop décalée pour qu’on ne se sente pas trop perdu. Je me retrouve évidemment avec Noah et une fille aussi sympa qu’énergique mais un peu énervée car, selon elle, son rôle est moins important que les nôtres. Moins de lignes de texte, moins d’émotions peut-être, alors que pour moi, elle a justement un rôle plus subtil, plus fin et sans doute moins premier degré que le mien ou celui de Noah.

« De toute façon, tu m’écoutes jamais ! »

Je ne me souviens pas avoir appris un texte par cœur depuis au moins l’école primaire. J’ai toujours détesté ça pour des raisons à la con probablement. Ce qui est marrant c’est que je me souviens des règles de quasiment tous les jeux de rôle que j’ai lu, une question d’intérêt sans doute. C’est peut-être aussi pour ça que je me rappelle jamais de ce qu’on me dit…

Mais là c’est différent, je joue mon entrée dans la classe sur ce texte. Dix paragraphes qui me paraissent insurmontables. Chaque ligne est une épreuve mentale, je ne sais même pas comment faire. Je lis, je relis, je le chante, je m’enregistre, je me l’écoute tout le temps, dans le métro, dans la rue, pendant les cours, pendant la nuit. Quelle nuit ? Je dors presque pas, couché à minuit, relevé à 3h du mat’, la tronche en biais, les phrases qui défilent dans mon crâne, devant mes yeux. Je suis un zombie shooté à la coke, j’ai les yeux rouges et une volonté de fer.

Noah a deux scènes, et passe son temps dans sa bagnole à bosser presque tout seul. Ma partenaire me file quelques techniques et me fait répéter les enchaînements, elle m’aide énormément, me calme et me donne confiance en moi. Elle est grande gueule mais enjouée et vraiment intéressée. Ce qui est le cas de la majorité des autres élèves. Ça me change des formations ou les gens s’en foutent, des branleurs a qui on paye des cours, mais qui le prenne comme des vacances avant de retrouver leurs vies de merde. Ici ça bosse.

« Hey, je peux prendre une photo avec toi ? »

A l’occasion d’une pause, mon partenaire se fait interpeller en pleine rue par un gamin qui a eu l’air de rencontrer sa star favorite du moment. Il se trouve que le gars fait des vidéos sur le net, des trucs marrants, un peu communautaire black, je suis évidemment passé à côté. Il a des dizaines de milliers de gens qui le suivent, il joue des dans clips, connait de gros rappeurs, la classe un peu. Moi ça me fait marrer, je côtoie une star du net. D’autres élèves ont fait des trucs, untel une pub pour macDo, l’autre des années de théâtre amateur et veut passer pro, un troisième est déjà réalisateur et acteur pour une pub de dentifrice, y’a quelques expériences déjà. Moi j’ai bossé à la tv et je suis passé sur FunTv alors que je réparais un ordi sous une table pendant un direct, ça compte ?

Les cours sont toujours intéressant mais il faut se concentrer un peu plus. En fait, chaque scène est travaillée une par une devant la prof, les autres élèves étant sensé regarder et apprendre des autres avant de passer eux-mêmes. Dans les faits, la plupart ont préférés utiliser ce temps pour apprendre leurs propres textes ou utiliser leur portable. L’examen final (appelé échéance) se déroulant très tôt, la prof nous autorise finalement à travailler de notre côté, ce que nous faisons sans relâche jusqu’au dernier jour.

Lors de mes passages, je suis en transe, littéralement. Je me plonge à fond dans mon personnage de père au foyer, blessé par la vie, en rupture avec son fils qu’il aime mais avec qui il ne s’entend pas, humilié car il veut subvenir aux besoins de sa famille en homme et pas en assisté, et obligé de travailler avec une assistante sociale, dernier lien avec sa famille et son fils qui le bat. Une situation difficile, un cas social comme il peut en arriver tant. Je suis tellement dedans, et tellement sur les nerfs, que j’ai parfois du mal à sortir du personnage, à deux reprises il m’a fallu plusieurs minutes pour récupérer de cette tension.

Je vois la prof comme une sculpteuse, elle prend des gens qui font n’importe quoi et par gros mouvements ou petites touches, elle ajuste, elle pousse, elle cadre, elle nous apprend. Je vois chaque groupe qui évolue, qui prend de plus en plus conscience que la fin de la semaine approche, qu’il va falloir donner le meilleur. Y’a moins de blagues, moins de sourires, les visages sont crispés.

« Ah ouais c’est tendu quand même ! »

La première fois que je présente ma scène, elle reste quelques secondes bouche bée et me sort cette phrase qui restera gravée. Je ne sais pas si c’était bon, si c’était juste, si c’était intéressant, mais au moins c’était tendu, ce qui était exactement mon intention, et celle de mes partenaires. Je le prends comme un compliment. La première fois depuis longtemps où j’ai pas l’impression d’être une merde. C’est bon, ça fait du bien.

Le dernier jour arrive, et avec lui notre échéance. On passe devant la prof et le directeur de l’école. C’est pas rien.

Tout le monde donne tout ce qu’il a. Je vois des transformations incroyables, des larmes, des rires, de l’énergie. Parfois des textes oubliés, une fille qui pète un plomb à cause de la tension, putain la pression qu’on se met.

Puis le calme et le discours du directeur qui m’a touché et rassuré. Un truc du genre : « Je suis content de voir des gens d’horizons, d’âge et de parcours différents. Être acteur c’est avoir une personnalité, et la montrer. Sur scène on a besoin de voir des gens qui apportent ce qu’ils sont et surtout qu’on évite les clones. »

Ouais, y’a besoin de tout le monde.

Quelques jours après, je recevais un mail me félicitant de mon travail et m’autorisant à poursuivre ma formation à Florent.

Cours Florent – Stage d’accès part1

La veille du premier jour, je dors pas. Qu’est ce qu’il va se passer ? Dans quoi je me suis engagé ? Je viens vraiment de lâcher 400 boules pour une semaine de théâtre ? J’ai posé une semaine de congé juste pour ça, ça va être rude.

Mardi matin j’arrive devant le cours, une pauvre façade dans le 19ème, des tas de gamins fument des clopes en rigolant. Ils ressemblent aux abrutis de la pub l’Oreal, les cheveux en l’air, les sapes savamment choisies, faussement rebelles, que des faces de babtous bon teint. On est loin de la diversité.

Le gars de la sécu me regarde bizarre, il a dû croire que j’étais un prof je sais pas, mais je finis par rentrer dans le bâtiment. A l’intérieur c’est un peu délabré, du genre : « on a pas eu le temps de faire les finitions mais c’est pas grave ahah ». Non pas ahah. Un coup d’œil au tableau et je repère ma salle, et ma prof. On est 25 dans la grande salle, à se regarder en chien de faïence, a pas comprendre ce qu’on fout là. Ma première impression se fait la malle très rapidement. Y’a des jeunes, des vieux, des minces, des gros, des chauves, des rebeus et un black tout tatoué.

La prof est petite, menue, mignonne, plus jeune que moi. En trois phrases elle s’impose, mélange de charisme et d’autorité, c’est bien, ça me plaît et ça me met en confiance. Clairement pas la perdrix de l’année, elle envoie. Grave.

« Et toi ? Pourquoi t’es là ? »

C’est mon tour de me présenter, j’en mène pas large. La plupart de mes prédécesseurs veulent être acteurs, ou comiques, ils ont des étoiles dans les yeux, moi pas encore. Je raconte ma vie rapidement, quasi trente ans de jeu de rôle (je fais comme si tout le monde savait ce que c’était, personne pose de question), de l’écriture, des bouquins, de l’impro. Moi je veux faire metteur en scène. J’aime bien diriger les gens, créer des scènes, organiser des trucs. Ouais, j’aime bien l’idée. Pas hyper original. Je me projette toujours pas, mais là, devant tous ces gens, j’ose enfin me dépasser et dire un truc qui me plairait. Peut-être. De loin. Faut pas trop rêver quand même.

Puis y’a René. Plus de 70 piges, une patte folle, le regard doux, la gueule du mec qu’a vécu des trucs, qu’est mort dix fois mais qui est toujours là pour en parler. Qu’est-ce que tu fous là René ? Et là le mec c’est un peu ta grand-mère qui te raconte tranquillement la guerre. Le gars envoie du lourd, il a connu des tas de gens, Brel putain, a chanté, a bossé partout, a fini SDF, alcolo, est remonté, a recommencé, et là il vient tenter son rêve. Son dernier rêve. Les plus jeunes sont calmés d’office, c’est beau.

Sans tarder on commence le premier exercice. Marcher dans l’espace. C’est simple en fait, tout le monde marche sur la scène, chaque espace doit être rempli, à chacun de s’organiser pour le faire, sentir quand aller dans un endroit vide, quand ne pas le faire, et surtout sans regarder par terre, vision périphérique seulement. Une simulation de marche dans le métro, les parisiens sont pas dépaysés.

« Maintenant, quand vous le sentez, vous vous arrêtez deux à deux, vous vous regardez dans les yeux cinq secondes, et vous repartez ».

Cinq secondes c’est long. Tu en vois des choses en cinq secondes dans les yeux d’un inconnu. Pour la première fois depuis longtemps j’ai été secoué. Par la puissance d’un regard qui ne fuit pas, par toutes les émotions que tu peux ressentir et transmettre, par cette énergie qui se dégage de chacun, chaque fois différente, un goût et une odeur. Incroyable. C’est précisément à ce moment-là que j’ai été happé.

Il y a eu pas mal d’exercice pendant cette semaine, des jeux aussi. En voici deux exemples.

Dans le jeu du tueur, tout le monde ferme les yeux puis la prof choisit entre un et trois tueurs (pour une classe de 25) et leur touche la main discrètement pour leur signifier leur nouveau statut. Ensuite on ouvre les yeux, puis on marche dans l’espace comme d’habitude. On se regarde dans les yeux, parfois on regarde ailleurs mais surtout on reste concentré. Lorsqu’un tueur le souhaite, il fait un clin d’œil à quelqu’un qui le regarde. L’idée c’est d’envoyer le signal de manière franche pour la cible s’en rende compte mais pas les autres autours. Moins simple qu’il n’y parait. La cible doit alors attendre quelques secondes puis jouer sa mort de la manière la plus spectaculaire possible, avec force râles, chancellement et autres cris ou dernières paroles. Si quelqu’un a vu ou pense avoir vu quelque chose il peut dénoncer le tueur. Dans ce cas, si cette grosse balance avait raison, le tueur meurt de la même manière, et si elle a balancé une connerie, c’est elle qui meurt.

C’est simple, rapide et super fun. Ça permet de s’entrainer à observer, à se concentrer et à envoyer des signaux rapides et francs.

On a aussi joué au I-A-O. Tout le monde en cercle, une personne démarre en regardant quelqu’un de son choix puis doit crier I en faisant une sorte de mouvement d’épée de bas en haut avec les bras. Comme si on envoyait un ballon quoi. Idem, il faut que ça soit énergique et parfaitement dirigé. La personne qui reçoit, doit lever les bras puis crier A, enfin les personnes à sa gauche et à sa droite doivent effectuer un mouvement des bras comme s’ils tranchaient le receveur tout en criant O. Puis on recommence, celui qui a reçu envoie la balle/l’énergie/la réplique à quelqu’un d’autre. L’idée est d’accélérer et de créer une musique ou un rythme I-A-O le plus longtemps possible. Celui qui se plante, dans ce qu’il crie, dans son mouvement, s’il y a une confusion quelconque, la personne est éliminée, puis le jeu reprend avec de moins en moins de monde. Evidemment à trois ça devient très rapide et très difficile. Ce jeu apprend aussi la vitesse, la précision, et la concentration. La moindre seconde d’inattention et on est éliminé. Le jeu étant rapide c’est pas bien grave.

Je dois avouer avoir été plutôt bon dans ces exercices.

On a aussi fait un peu d’impro. On part de phrases que la prof nous glisse dans l’oreille, de positions de corps un peu aléatoires, de marches absurdes, puis on démarre de là. La plupart de ces impros étaient un peu foirée, notamment dans le manque d’écoute. Il y a plein de propositions mais souvent elles ne sont pas écoutées par les autres participants. Comme s’ils n’étaient pas dedans, comme si ce n’était pas sérieux. Ça manquait un peu d’immersion en fait. Bon c’est là que je m’en suis le mieux sorti. Toutes ces années à rebondir sur les idées toutes plus farfelues des joueurs les plus aguerris m’ont beaucoup aidé.

Je me retrouve avec Noah, un excellent partenaire, rapide, percutant et aux références similaires. En un coup d’œil et trois mots, on sait ce qu’on doit faire, où on va et pourquoi. La connexion se crée tout de suite, le reste se déroule comme dans un film. On part sur un braquage et on enchaîne les scènes sans temps morts, préparation, récupération des armes, voyage en bagnole jusqu’à la banque avec scène de discussion pour expliquer pourquoi on fait ça, braquage, ça gueule, on choppe le public, on le transforme en otage, on tourne, on court, c’est un tourbillon. Puis l’arrivée des flics, le sacrifice d’un braqueur pour aider son pote à sauver sa fille malade, puis l’autre braqueur revient et se fait abattre à son tour. Histoire tragique, tendue, et une famille brisée.

Putain c’était beau !

J’ouvre les yeux, je sors de mon immersion, je vois les regards des gens, les sourires, les compliments, et là je me dis : « c’est vraiment mon truc. »

Attends je re. part4

Disclaimer : Je reçois pas mal de message pour me demander si tout va bien, d’amis ou de presque inconnus qui ont l’air de trouver ces textes tristes et qui se font du souci. Merci, c’est très gentil de votre part mais sachez que j’écris avec beaucoup de recul, que c’est quand même légèrement romancé, notamment la chronologie n’est pas forcément exacte je m’essaie à un style particulier et que l’idée est de partager une expérience avec mes lecteurs, ni plus ni moins.


site-de-rencontreC’est pas vrai que j’ai arrêté facebook et twitter, j’ai juste réduit. Je mens, je me mens. A cette époque je rencontre un mec qui arrive sur Paris, un rôliste. On fait quelques parties ensemble, on accroche bien, un mec super, entouré d’amis. J’ai besoin de ça, de changer de joueurs, de changer d’amis, de voir du monde. On enchaine les soirées, on boit, beaucoup, on rigole, beaucoup aussi. Ses potes sont géniaux, toujours à se marrer, à ne rien prendre au sérieux. Ça parle de jeu bien sûr, mais aussi de la bière (un nouvel univers qui s’est ouvert à moi), des meufs (ça gravite, ça s’échange, ça s’amuse, ça tinderise), et de la vie.

Ça dure quoi ? Un an ? En un an j’ai plus appris et je me suis plus amusé que lors des dix dernières années. C’est ça qui me faut, de l’alcool, des potes et des rencontres. Je découvre les sites de rencontres, Tinder d’abord et OKCupid ensuite. Je suis très mauvais à ce jeu. J’ai peur, je ne sais pas lancer une conversation, j’ai peur de rencontrer des gens dans un environnement que je ne maitrise pas, sans le confort de la soirée et des autres potes au cas où tu n’aurais rien à dire.

« Prends ça comme un jeu ! »

J’y arrive pas. Derrière y’a des vrais gens, de vraies filles. Je ne sais pas ce qu’elles cherchent, sur le net comme dans la vie, je ne sais pas reconnaitre les signaux, rien n’est clair. Quand je pense qu’il y a moyen, je me prends un mur, un râteau, un non ferme, sympa, mais définitif. Alors je n’y vais pas, plus, alors je parle beaucoup pour cacher ma timidité. On me trouve gentil, marrant, mais c’est tout.

Sur OkCupid je m’amuse un peu. Y’a des quizz, des tas de questions pour connaitre ta personnalité, et puis si la personne en face répond de manière similaire tu vois sa tête, son profil et un pourcentage de match. Je tombe sur une fille qui matche à 99%, j’aime bien ses photos et ce qu’elle raconte, elle a les pieds sur terre, engagée, et aux mêmes centres d’intérêt que moi. Allez, putain, j’y vais. Plutôt qu’un bête « salut » que les nanas doivent recevoir cinq cents fois par jour, j’écris un vrai message, je m’appuie sur son profil, sur le mien, un peu d’humour, et puis j’appuie sur Envoi. Et j’attends. Pas longtemps.

« Ah oui tiens, et au fait, va crever !»

Ouais c’est sûr, j’avais pas fait gaffe. Dans son profil, dans un coin, il y’avait écrit : « Ne pas me contacter ». Probablement que j’étais passé dessus sans percuter, tout à ma concentration, à tenter de dépasser ma peur. En attendant sa réponse fut tout aussi longue que mon message mais radicalement différente. Une volée de bois vert dont la violence trouvait son climax dans cette simple phrase, va crever. Tu parles d’une expérience.

Sur Tinder, je ne contacte personne, jamais. Trop peur qu’il ne se passe rien, pas de réponse, mon message noyé dans un océan d’autres messages de mecs tous plus cons les uns que les autres. C’est ça les sites de rencontre en fait. Côté filles c’est un carnage, une avalanche de mecs en chiens, de tordus de toutes sortes, de manque de respect total. Et puis l’une d’entre elle me contacte. Je suis fatigué, j’enchaine les banalités. Je finis par lui donner rendez-vous dans un bar à bière que j’aime bien. Elle ne ressemble pas à la photo, personne ne ressemble à sa photo. C’est ma première rencontre internet de toute ma vie. Je ne sais pas faire. Je sais pas détourner une conversation, sexualiser, je ne sais même pas ce que je veux en fait. Je m’aperçois que je suis là, mais je ne me projette pas. Comme d’habitude ma tête tourne à fond de train, explorer dix mille possibilités, autant de scénarios. Aucun ne me convient, aucun ne m’amuse. Alors je parle, de tout et n’importe quoi. Je fais que parler, parler, parler. Je m’arrête uniquement lorsqu’elle va fumer. Je ne me rends même pas compte que je parle autant. Je suis tellement à l’ouest que je suis même plus capable de lire son regard, de comprendre que je l’emmerde. Elle est gentille. On finit par se dire au revoir comme ça là, près de sa voiture. Puis plus rien.

Une autre me contacte. Idem, je me dis que ça va aller mieux. Elle ne ressemble pas à sa photo non plus. Je lui dit que j’aime les brasseries, elle a l’air super contente et accepte de me rejoindre. Chouette une buveuse de bière. J’avais mal compris. Elle boit pas de bière, elle trouve que ça sent le vomi. D’ailleurs je parle trop, heureusement que je ne me drogue pas me dit-elle, qu’est-ce que ce serait sinon. Elle n’est pas bien maligne pour une infirmière. Je passe trente minutes à lui expliquer que les œufs du supermarché, si on les laisse longtemps, ben ça fait pas des poussins. « Soirée sympa mais ça va pas le faire, qu’elle me texte le lendemain. Ok je lui réponds. »

Là ce n’était pas de ma faute.

Je laisse tomber les rencontres sur Internet. Je n’y comprends rien. Mes copines me racontent toutes des trucs absurdes, des rencontres improbables, un défilé de tarés, et dans ma tête je hurle « mais je ne suis pas comme ça, moi, je suis gentil moi ! », mais je dis rien, j’acquiesce à chacune de leurs histoires. Tant pis.

Les vacances scolaires se passent, lentement. Je suis seul. Je m’emmerde. Je surfe sur le net à la recherche d’un truc à faire, d’une activité qui pourrait m’amuser en septembre. J’ai réduit le jeu de rôle, ouais quasiment abandonné en fait, mais peut-être que cette compétence pourrait me servir après tout. Trente ans à imaginer des histoires, ça doit bien pouvoir se recaser. Il y’a une troupe d’impro à côté de chez moi, les impropothame. Le nom me fait marrer, les gens ont l’air d’amateurs avertis. Les engrenages dans mon cerveau se réenclenchent. Pourquoi juste de l’impro ? Pourquoi pas du théâtre ? Il n’y a pas de vrai cours à côté de chez moi mais il y’en a à Paris.

Theatre« Allo Jerem, je suis sur le site de cours Florent. C’est marrant, y’a un stage d’accès dans quelques jours. T’imagine si je fais du théâtre! »

Le lendemain mon ami me rappelle : « je suis inscrit, et toi ? » MOI ? Mais ! Je ne t’ai pas demandé de t’inscrire ! C’est compliqué les cours ! Puis c’est loin ! Puis ça prend du temps ! Puis comment je fais avec les enfants ! Et le prix ! Foutues barrières encore.

Il est inscrit et commence le stage d’accès. Pendant trois semaines, il me parle de ce qu’il fait là-bas, des exercices, des textes à apprendre. Et moi j’enrage. J’enrage de ne pas avoir le courage de me jeter à l’aventure comme ça, de trop réfléchir. Je retourne sur le site et un nouveau stage d’accès est apparu, intensif, une semaine complète en immersion et ça commence dans trois jours. C’est le signe que j’attendais, le rattrapage que le cosmos m’offre.

Trois minutes et deux clics plus tard, je suis inscrit.

Attends je re. part3

home-designMalgré mes dénégations, je ne peux que me rendre à l’évidence. Acculé, je dois partir, vite. C’est le coup de pied au cul que j’attendais, le signal de la transformation. J’étais passé par toutes les étapes du deuil. Je n’avais plus qu’à accepter et reconstruire.

Je prends un grand appartement non loin de manière à assurer à mes enfants de pouvoir passer aisément d’un foyer à un autre (parait que c’est un de truc de riche ça… Probablement) puis je commence le grand nettoyage.

Nettoyage social d’abord. Virer les toxiques, les gens qui me pourrissent la vie, qui ne me rendent pas ce que je leur donne (figurativement ?). Trop d’énergie dépensée pour peu de retour, peu de joie. L’amitié ne devrait pas être un troc, on n’attend pas un retour sur investissement. Et pourtant. Pourquoi passer autant de temps pour les autres ? Lire des bouquins, écrire des histoires, imaginer des scènes, ingurgiter des règles de jeu pour simplifier la partie. D’un plaisir solitaire puis partagé, le jeu de rôle était devenu une contrainte. Le moindre faux pas était sanctionné, analysé, puis renvoyé comme une critique. La motivation n’y est plus, j’abandonne, je ne joue plus, ça ne m’amuse plus.

Faire le tri dans ses amis, froidement. Lui, ok. Elle non. Lui surtout pas. Elle, allez je la garde. Regarder sa collection et décider des gens à voir et à ne plus voir. Puis tout jeter en bloc. S’apercevoir que personne ne sortira de son confort pour toi, pour t’aider, pour t’accompagner dans tes problèmes, pour t’aimer en fait. C’est pas grave on verra plus tard.

Et puis il y a l’autre côté, l’écriture, les projets qui n’avancent pas, les trucs coincés chez l’éditeur, les relectures pour les potes, tout ultra-urgent, à faire pour hier, mais finalement non, on a le temps, puis d’un coup c’est de nouveau ultra-urgent. C’est une gestion par à-coups extrêmement destructurante et génératrice de stress. Et puis il y a les projets sortis par les autres, ceux qui ont pris ce métier à bras le corps, ceux qui produisent en une journée ce que tu mets un mois à écrire. J’aime voir ce qu’ils font, toutes ces nouveautés, et j’y participe parfois, mais je suis envieux, je me demande comment ils font, et tout à l’air tellement facile pour eux. Ils savent tout faire, écrire, dessiner, mettre en page, négocier des contrats, aller à des salons, créer des communautés. Et moi je sais pas faire ça. J’arrive pas à leur cheville, alors je m’en veux, je me dit que je produits pas assez, que je bosse pas assez. Alors basta, je peux plus suivre, j’arrête aussi. Je termine mes derniers engagements et j’en reprends plus.

« Faut que je fasse du vide »

On m’offre un bouquin, la magie du rangement. La quat’ de couv me parle d’une méthode japonaise pour tout ranger chez soi et se sentir mieux. Evidemment, ranger chez soi c’est ranger sa tête. 200 pages écrits gros dont j’ai retenu deux principes :

  • Jette 80%
  • Range le reste

J’ai jeté ou donné énormément de livres (on ne relit que quelques livres soigneusement sélectionnés), de vêtements (je ne les portais pas), de cds (le numérique les a tués), de vieilles boites (je revends rien de toute façon), des photos et même des meubles. C’est simple, on prend chaque objet en main, et si on ressent quelque chose instantanément alors on le garde sinon on le jette. Et ça marche.

Je commence à apprécier ne rien avoir, ou le moins possible. Chaque objet est une ancre qui te bloque en un lieu et une époque et qui t’empêche d’avancer, de regarder vers le futur. La nostalgie c’est réconfortant mais ça entrave.

Pour le rangement, c’est simple. Il faut faire en sorte que tes objets soient tous visibles. Les vêtements ne sont plus empilés mais mis côte à côte, les livres et cd qui restent idem. Donner à chaque objet qui reste une importance similaire.

Je suis seul au milieu du salon, je compte les meubles sur les doigts de ma main (gauche) et je suis bien.

Etape 1 tout casser, c’est fait.

Etape 2 reconstruire.

Attends je re. part2

2« Et pour les enfants, on fait comment ? »

De toute façon ça devait arriver. Mon appétence pour le reste de l’univers m’a fait oublier que j’en avais un personnel à gérer. Plus petit mais plus important. Je me suis détaché de tout, plus intéressé par le dernier top topito que par la femme qui rentrait chez moi le soir. Sa voix était un bruit de fond incessant qui se mêlait au reste, une information comme une autre, perdue dans l’océan. Etranger à sa douleur, je ne comprenais pas pourquoi la moindre peccadille prenait autant d’importance, pourquoi elle voulait m’arracher à mon ordinateur alors que j’étais si bien avec mes deux cents amis et leurs vies formidables (« Ahaha on s’amuse trop ! »), leurs soirées extraordinaires pleines de rires et d’alcool (« c’est ma soirée ou c’est pas ma soirée ! »), leurs voyages impossibles (« là c’est moi sur le plage, là c’est moi sur la montagne, là c’est moi dans le désert »), leurs colères que je faisais mienne  (« Indignation ! Manifestation !»), leur bonheur familial (« Trop meugnon ton bébé »), Leur tristesse parfois auxquelles je répondais sans appliquer mes propres conseils (« T’inquietes, ça va aller »).

« Je veux pas les traumatiser, ça te dérange pas si on reste dans la même maison ? Pour un temps ? »

Deux ans à faire comme si de rien n’était. J’avais tous les avantages, une vie familiale, internet, des soirées quand je voulais, des potes, de l’alcool, de longues discussions et elle qui s’occupait des enfants. Et pourtant. La tête qui tourne, et toujours les mêmes questions et les mêmes démons. Bon, je suis seul. Je suis tout seul. C’est bien d’être tout seul ? C’est dur d’être seul. Mais c’est bien non ? Tu peux faire ce que tu veux ! Ouais, surtout tu fais ce que tu peux. Les potes de ton âge, ils sont au chaud à la maison avec la marmaille. Les potes plus vieux, ils sortent pas, ils sont fatigués, ils ont une sale gueule, ils ont pas le temps. Pas pour toi. Reste les plus jeunes, ceux qui savent encore s’amuser, ceux qui ont encore le temps avant de devenir sérieux. Nouvelle jeunesse, souvenir de nuit blanche à picoler et à refaire le monde, à reparler des filles et de leurs jupes qui tournent, et qui tournent, et qui tournent la tête surtout.  T’es pas vieux. T’es plus vieux. Vieux c’est dans la tête, ça se décide. Mais toi y’a juste un truc que tu as oublié. C’est que les autres ne le savent pas.

« Salut, je peux m’assoir ?

Ça va pas ? T’es pédophile ou quoi ? »

Puis je sors avec cette fille. Rencontrée au boulot mais vraiment rencontrée bien après. Formidable, belle, intelligente, cultivée, fascinante, dans ses contradictions aussi. Elle sort d’un échec, d’un pari échoué et moi je suis là. Je l’aime. On parle beaucoup, tout le temps. On fait de la politique, on fait de l’informatique, elle m’apprend les lettres, elle m’apprend les humains, elle m’apprend tout le temps. Mais je suis pas amoureux. Je sais pas ce que c’est d’être amoureux. J’ai oublié. Je suis anesthésié. Merde, ça s’oublie pas pourtant, l’amour c’est comme le vélo, ça revient vite !

Ben si, ça s’oublie.

Comme on oublie de parler quand ça va pas. Comme on oublie qu’il faut faire attention à l’autre. Comme on oublie qu’on est pas des adolescents et qu’il faut agir en adultes. Et moi j’agis pas en adulte. Tout bouillonne, je veux tout et son contraire. Je la veux elle mais je veux aussi elle, et elle et aussi elle là-bas. Puis je veux qu’elle soit tout le temps avec moi. Puis je veux plus elle me fait chier, puis non en vrai, puis puis puis…Y’a de quoi dire sur cette fille, sur cet échec dont je suis le seul responsable, parce que j’ai fait n’importe quoi, parce que ce n’était pas le moment non plus, parce que je n’ai jamais cru à ses « je t’aime », parce que j’ai eu peur de ses « je t’aime ». Parce que mon cerveau déformé à l’internet ne voit qu’à court terme, et que l’engagement, j’en veux plus, j’ai déjà fait, c’est pas bon pour moi.

« J’ai rencontré quelqu’un. Il va venir habiter avec moi et les enfants. Faut que tu partes »

Restructuring life failure failure failu…..